Fin juillet de cette année, l’insecticide acétamipride a été utilisé à Kloten comme moyen de lutte contre le scarabée du Japon. Le néonicotinoïde est un poison à large spectre très efficace contre les insectes et a également des effets nocifs sur l’homme (pour des explications plus détaillées, voir le dernier article de blog). Dans cet article, nous procédons à une évaluation des risques en matière d’écotoxicité. Elle s’appuie principalement sur l’examen par les pairs réalisé par l’Autorité européenne de sécurité des aliments (EFSA) en 2016 [1]. L’EFSA a étudié la sensibilité de différents groupes d’organismes (comme toujours malheureusement sans les amphibiens) à l’application d’acétamipride sur les pommes de terre, les tomates et les fruits à pépins. Dans le cas de Kloten, le poison a toutefois été pulvérisé sur une large surface et sur l’ensemble de la végétation. Ainsi, la situation issue de l’examen par les pairs n’est pas tout à fait la même que celle de Kloten (les estimations de l’EFSA sont plutôt conservatrices pour le cas de Kloten). De plus, il est difficile de procéder à une évaluation définitive des risques, car le service phytosanitaire de Zurich ne nous a pas fourni d’informations sur la quantité de poison épandue, malgré nos demandes répétées. Il serait important de le savoir, car l’impact sur l’environnement dépend fortement de la quantité utilisée.
Combien de temps l’acétamipride reste-t-il dans l’environnement ?
La valeur DT50 est utilisée par défaut comme indicateur de la persistance (résistance à la dégradation) d’un composé chimique. DT50 (signifie dissipation time) indique la durée pendant laquelle 50% de la substance s’est dégradée. Parfois, on utilise aussi le DT90, c’est-à-dire une diminution de 90% de la substance. En général, ce processus est mesuré dans le sol. La dégradation d’une substance, ou le temps de réaction des processus biochimiques en général, dépend fortement de la température, du pH, de l’aération du sol (teneur en oxygène) et d’autres paramètres. C’est pourquoi cette valeur n’est pas fixe, mais varie en fonction des conditions environnementales. La fourchette des valeurs DT50 mesurées pour l’acétamipride et ses métabolites (c’est-à-dire les produits de dégradation qui sont à leur tour transformés en d’autres produits de dégradation) est indiquée ci-dessous. [1]
Acétamipride : DT50 = 0,8 – 54,5 Tage
IM-1-2 : DT50 = 1,6 – 1,9 jours
IM-1-4 : DT50 = 2,3 – 146 jours
IM-1-5 : DT50 = 319 – 663 jours
La dégradabilité particulièrement difficile du métabolite IM-1-5 (abréviation de N-desméthyl-acétamipride) est frappante.
Évaluation des risques de l’EFSA concernant …
Mammifères :
Les oiseaux :
Abeilles :
Organismes aquatiques :
Arthropodes non ciblés :
Macro-organismes du sol :
Conséquences pour l’écosystème
Les effets nocifs constatés de l’acétamipride sur les espèces non ciblées peuvent avoir des conséquences non seulement au niveau individuel, mais aussi sur l’ensemble de l’écosystème. L’exemple du zooplancton (dont fait partie la grande puce d’eau) illustre bien ce phénomène. Le zooplancton joue un rôle important dans la dynamique des eaux, car d’une part il contrôle les populations d’algues et de bactéries en les mangeant, et d’autre part il sert lui-même de source de nourriture pour d’autres animaux comme les poissons et sécrète des nutriments dissous [7]. Il existe une interaction complexe entre les différentes espèces animales et les nutriments. Si un élément du réseau alimentaire change, cela peut avoir des conséquences sur l’ensemble du système. Des changements dans les populations de zooplancton peuvent donc entraîner des changements dans l’ensemble du système aquatique. Il en va de même pour divers insectes aquatiques.
Nos oiseaux indigènes sont soumis à une énorme pression en raison de la perte d’habitat, de la pénurie de nourriture et du changement climatique. 40 % des oiseaux nicheurs de Suisse figurent sur la liste rouge.[8] Les oiseaux ont pourtant une fonction importante dans l’écosystème, car ils mangent les parasites, pollinisent les fleurs, répandent les graines, recyclent les charognes et sont donc impliqués dans tout le cycle des nutriments.[9] Les résultats de l’évaluation des risques de l’EFSA, ainsi que les conclusions d’études menées avec d’autres néonicotinoïdes et des organophospates aux effets similaires (par exemple, les oiseaux chanteurs ont perdu leur sens de l’orientation ou ont souffert de pertes de condition physique en cas de faible absorption d’imidaclopride ou de chlorpyrifos),[10]permettent de conclure que l’épandage de poison à Kloten renforce la pression déjà existante sur nos populations d’oiseaux.
L’absence d’évaluation dans l’examen par les pairs de l’EFSA pour les amphibiens est très regrettable, car la situation de ce groupe d’organismes en Suisse est encore pire que celle des oiseaux. 79% d’entre eux figurent sur la liste rouge[11] et la protection des amphibiens et de leurs habitats fait l’objet d’efforts de la part de nombreuses organisations de protection de la nature. Il serait donc important de pouvoir exclure tout risque, en particulier pour les groupes d’animaux déjà menacés. Pour l’évaluation des risques, il n’est pas possible de se baser sur la toxicité pour les poissons, car les amphibiens se trouvent également sur la terre ferme et parfois dans les cultures traitées aux pesticides. Là, ils absorbent les substances nocives via leur peau humide ou des insectes contaminés.
Qu’est-ce que cela signifie pour le cas de Kloten ?
Les résultats ci-dessus montrent clairement que différents groupes d’organismes peuvent être affectés par une exposition à l’acétamipride. Pour le cas de Kloten, nous voyons un potentiel de menace en particulier pour les habitats aquatiques. Ceci parce que les êtres vivants aquatiques (en particulier les insectes aquatiques) sont particulièrement sensibles au poison et que, simultanément, plusieurs cours d’eau (Nägelimoosweiher, tronçons de l’Altbach et du Rübisbach) se trouvent à proximité immédiate de la zone d’utilisation du poison (voir carte). Le risque est en outre accru car il a plu assez fortement pendant ou après l’épandage du poison à Kloten, ce qui a permis le lessivage de l’insecticide bien soluble dans l’eau ou du métabolite IM-1-5 déjà formé et très soluble dans l’eau (voir graphique quantité de précipitations). En outre, il n’est pas clair si la distance prescrite de 20 m par rapport aux eaux de surface[12] a été respectée lors de l’application du poison.
Carte Kloten. Surface rouge = foyer d’infestation (correspond aux limites de la ville). Point rouge = installation sportive Stighag, dans les environs de laquelle de l’acétamipride a été pulvérisé. Bleu = eaux de surface. A = Altbach. R = Rübisbach. N = Nägelimoosweiher. Représentation propre avec des données de https://maps.zh.ch/
Précipitations mesurées à la station météorologique de Kloten au cours des 2 semaines suivant l’épandage de poison (en rouge). Données : MétéoSuisse
Etant donné que, selon l’EFSA, les oiseaux et les petits mammifères herbivores sont également très menacés, nous considérons que l’épandage de poison à Kloten présente également un risque réel dans ce domaine. L’application d’acétamipride à grande échelle met ces animaux en danger, tant par l’épandage direct que par la dérive. Par rapport au rapport de l’EFSA, le risque est en outre plus élevé pour les êtres vivants vivant dans l’air et les insectes, car le poison a été pulvérisé non seulement près du sol, mais aussi dans la cime des arbres.
Selon le service phytosanitaire de Zurich, l’évaluation de la quantité épandue est « très loin dans la liste des priorités ». Es bestehen also weiterhin keine Angaben über die verwendeten Acetamipridmengen, was eine endgültige Risikoabschätzung schwierig macht. Comme pour les eaux souterraines, il serait important et intéressant de mesurer l’année prochaine les concentrations d’acétamipride et de ses métabolites dans les eaux de surface (en particulier dans les trois cours d’eau mentionnés). Si à l’avenir, en cas d’éventuelles nouvelles populations de coléoptères du Japon à Kloten ou sur d’autres sites en Suisse, l’acétamipride est à nouveau utilisé à grande échelle, l’écosystème risque d’être déstabilisé. Déclenché par une mesure censée sauver l’écosystème.
Sources :
[1] EFSA (2016): Peer review of the pesticide risk assessment of the active substance acetamiprid
[2] Également confirmé par : Varga-Szilay et al. (2022): Is acetamiprid really not that harmful to bumblebees (Apidae: Bombus spp.)?
[3] Chandler et al (2020): Exposure of the Common Eastern Bumble Bee, Bombus impatiens (Cresson), to Sub-lethal Doses of Acetamiprid and Propiconazole in Wild Blueberry.
[4] PPDB (Pesticide Properties DataBase) 2023: Acetamiprid
[5] Ma et al (2022): Long-Term Exposure to Neonicotinoid Insecticide Acetamiprid at Environmentally Relevant Concentrations Impairs Endocrine Functions in Zebrafish: Bioaccumulation, Feminization, and Transgenerational Effects.
[6] Ma et al (2019): Developmental Toxicity of a Neonicotinoid Insecticide, Acetamiprid to Zebrafish Embryos.
[7] Bruce et al. (2006): A numerical simulation of the role of zooplankton in C, N and P cycling in Lake Kinneret, Israel.
[8] BAFU (2021): Rote Liste der Brutvögel.
[9] Whelan, Şekercioğlu, & Wenny (2015): Why birds matter: from economic ornithology to ecosystem services
[10] Eng, Stutchbury & Morrissey (2017): Imidacloprid and chlorpyrifos insecticides impair migratory ability in a seed-eating songbird.
[11] BAFU (2023): Rote Liste der Amphibien.
[12] https://www.psm.admin.ch/de/produkte/6581
Pour en savoir plus : Tableau de toxicité de l’acétamipride