Le potentiel pouvoir des bailleurs
Les propriétaires ont le privilège de décider de ce qu’il advient de leurs terres. Si le terrain est destiné à une exploitation agricole, un contrat de bail est généralement conclu (voir encadré). En Suisse, c’est le cas d’environ la moitié (5’000 km2 = 500’000 hectares) de la surface agricole utile (10’000 km2).[1] Il existe donc un grand potentiel pour des modes d’exploitation écologiques de ces surfaces convenus par les propriétaires avec les fermiers.
Le/la fermier(ère) est libre d’entrer en matière sur le contrat ou non. Il est cependant vrai que les terres à louer sont très convoitées et c’est pourquoi la plupart des locataires sont prêts à accepter des conditions d’exploitation extensive. En outre, ils bénéficient d’un fermage équitable (c’est-à-dire peu élevé) pour les terres qu’ils louent. Celui-ci est en effet imposé par le législateur (voir encadré « Fermage »)
Le fermage fait l’objet d’une loi spécifique: la loi fédérale sur le bail à ferme agricole (LBFA). Celle-ci contient de nombreuses dispositions relatives au contrat de bail. Par exemple, un contrat pour un terrain est toujours valable pour 6 ans (un premier bail à ferme: 9 ans) et s’il n’est pas résilié dans les délais requis, il est automatiquement reconduit pour 6 années supplémentaires (pour plus d’informations, voir le tableau 1). Des modifications du contrat en cours ne sont possibles que si elles sont convenues par les deux parties. Dès lors que les parties divergent sur le contrat, une résiliation en bonne et due forme du contrat doit se faire à la fin de la période de six ans et un nouveau contrat doit alors être rédigé.
Dans quels cas le droit sur le bail de ferme agricole s’applique-t-il ?
Une fois que les trois conditions suivantes sont remplies, la loi fédérale sur le bail à ferme agricole (LBFA) est applicable :
- Le terrain est une surface agricole (pas de zone d’habitation, de forêt, de gravière, etc.).
- La superficie du terrain est supérieure à 25 ares pour les cultures et les prairies ou 15 ares pour les vignes. [2]
- En contrepartie de l’utilisation du terrain, une rémunération (fermage) est versée.
La LBFA ne mentionne pas explicitement que des exigences écologiques telles que l’exploitation extensive ou la non-utilisation de produits phytosanitaires peuvent être intégrées dans le contrat de bail. Mais, en vue de la liberté de contrat et de la garantie de la propriété, cela peut être possible.
Fermage
Le fermage exigé dans le cadre d’un bail à ferme agricole est une contrepartie pour le terrain loué (autrement dit: le loyer versé). Il s’agit le plus souvent d’une indemnisation financière, mais il peut également s’agir d’une prestation matérielle (p. ex. récolte, livraison de bois) ou d’un service (p. ex. entretien des environs). [3] Le montant des fermages est fixé par les cantons et varie en fonction des conditions du terrain (qualité du sol, pente, etc.). Le fermage maximal autorisé est de 6 à 8 CHF par are et par an.[4]
Une écologie obligatoire
Comme nous l’avons déjà mentionné plus haut, il est possible de prévoir dans un contrat de bail des exigences en matière d’exploitation extensive ou de revalorisation écologique. Cela rend la protection de la nature obligatoire et permet de garantir une exploitation des terres sans pesticides. Voici quelques exemples de directives et de restrictions écologiques :
- Cultures sans pesticides
- Agriculture biologique
- Exploitation extensive [5]
- Aménagement d’une prairie à fleurs sauvages
- Réalisation de petites structures ou de haies (voir figure 1)
- Choix des variétés à cultiver (p. ex. variétés résistantes aux maladies fongiques)
- Revalorisations écologiques entreprises par le bailleur (p. ex. création d’étangs pour amphibiens, de haies/bois champêtres, de sites maigres pour les nids de fourmis).
Outre les dispositions générales du contrat de bail, il est conseillé d’indiquer explicitement les directives spécifiques de chaque terrain. Il est également conseillé de fournir une carte contenant les différentes utilisations prévues pour les différentes parcelles du terrain en question, ainsi que d’éventuels nouveaux éléments (voir figure 2). Cela permet d’éviter d’éventuels litiges.
Contrat de bail à ferme agricole VS. contrat de prêt à usage
Le contrat de bail à ferme agricole permettrait certes d’imposer une approche écologique de l’exploitation des terres, mais la LBFA contient également des restrictions destinées au bailleur. Le contrat de prêt à usage offre plus de flexibilité (notamment en cas de modification du contrat). Contrairement au contrat de bail à ferme agricole, les propriétaires ne peuvent pas demander de fermage : les terrains sont simplement « empruntés ». Les conditions de gestion peuvent être au moins aussi strictes que celles du contrat de bail à ferme agricole. Le tableau ci-dessous donne un aperçu des avantages et des inconvénients des deux formes de contrat.
Bail à ferme agricole | Contrat de prêt à usage | |
Base légale | LBFA | CO Art. 305-311 |
Durée de validité | 6 ans pour les terrains individuels 9 ans pour les entreprises agricoles | au choix |
Délai de résiliation | 1 an | généralement 6 mois ; à la fin d’une période de culture (p.ex. fin oct. ; délai au choix pour les prairies) |
Rémunération des propriétaires | Oui | Non (ni en nature) |
Avantages | – revenu financier / matériel (même s’il est modeste) – les enjeux écologiques peuvent être pris en compte | – pas de durée minimale imposée par la loi – résiliable à tout moment avec un préavis court (par les deux parties) – possibilité d’adapter les contrats beaucoup plus facilement – prise en compte des enjeux écologiques moins facile |
Inconvénients | – peu de flexibilité, beaucoup de difficultés juridiques possibles – durée du contrat relativement longue (au moins 6 ans pour les terrains ; 9 ans pour le premier bail à ferme) – les fermiers peuvent s’opposer à la résiliation et demander la prolongation du bail | – pas de gains financiers / matériels pour les propriétaires |
Conclusion
Tant le contrat de bail à ferme agricole que le contrat de prêt à usage offrent de nombreuses possibilités de rendre obligatoires des méthodes bénéfiques pour la biodiversité dans l’agriculture. Le choix du type de contrat est une décision personnelle. En principe, les exigences en matière d’utilisation écologique des terrains doivent être consignées avec précision par écrit et si possible complétées par des cartes – cela facilite la mise en œuvre pour les deux parties et contribue à la paix juridique.
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[1] UFA-Revue (2020): Pachtrecht für die Praxis
[2] Une are (a) correspond à 10 x 10 mètres, soit 100 m2
[3] Agrofutura AG (2021): Pacht
[4] Par exemple, pour le canton de Zurich: 6,20 CHF par are et par an; pour Bâle-Campagne 6,50, Berne 8,10 (liens des sources)
[5] Une utilisation extensive des prairies comprend des prescriptions concernant par exemple l’utilisation et le moment de la fauche et impose une interdiction de fertilisation. Une interdiction de fertilisation a pour conséquence un appauvrissement progressif des prairies, ce qui conduit à une plus grande variété de plantes à fleurs (parfois soutenues par un ensemencement). Plus d’informations dans le guide de Promotion de la biodiversité dans l’exploitation agricole