La révision totale de l'ordonnance sur les produits phytosanitaires (OPPh) a été lancée - la Suisse deviendra-t-elle le royaume des pesticides?

A la mi-décembre 2023, l'Office fédéral de la sécurité alimentaire et des affaires vétérinaires (OSAV) a lancé une consultation sur la révision totale de l'ordonnance sur les produits phytosanitaires (OPPh). Désormais, les produits phytosanitaires et les substances actives autorisés dans un pays de l'UE seront pour la plupart autorisés en Suisse sans examen préalable. Une cinquantaine de poisons, jusqu'ici interdits en Suisse, sont autorisés dans les pays voisins. Parmi eux, on trouve au moins 10 pesticides hautement toxiques pour l'homme et la nature. La démarche est sans précédent. La Suisse deviendrait le royaume des pesticides.La Suisse deviendrait le royaume des pesticides.
Müssen auch die BewohnerInnen der Schweiz das Wasser wie in Italien oder Frankreich bald im Supermarkt kaufen, weil es vom Hahn nicht mehr getrunken werden kann?
janvier 31, 2024

Georg Odermatt, Hans Maurer, Ralph Hablützel

De quoi s’agit-il ?

L’autorisation des produits phytosanitaires (PPP) est régie par l’ordonnance de 2010 sur les produits phytosanitaires (OPPh). L’autorisation des produits phytosanitaires (PPP) est régie par l’ordonnance de 2010 sur les produits phytosanitaires (OPPh). Aujourd’hui, en Suisse, chaque PPP doit faire l’objet d’une évaluation environnementale et sanitaire complexe avant d’être autorisé. Les dossiers comprennent souvent des dizaines de classeurs fédéraux et il faut examiner une vingtaine de thèmes avec des exigences de protection. L’Office fédéral de la sécurité alimentaire et des affaires vétérinaires (OSAV) veut maintenant réviser totalement l’OPPh. L’OPPh de 200 pages devient une nouvelle OPPh de 100 pages avec une référence à 100 pages de législation européenne directement applicable.

En résumé, la nouvelle OPSM contient peu d’améliorations, beaucoup de règles identiques et une grande détérioration pour la protection de l’homme et de la nature : l’examen environnemental et sanitaire est supprimé. Elle est remplacée par ce que l’on appelle l' »autorisation simplifiée » des produits phytosanitaires en provenance des pays de l’UE. Pour cela, il faut

1. « les substances actives, les phytoprotecteurs et les synergistes qui sont approuvés dans l’UE » – « sous réserve de certaines exceptions – sont également considérés comme approuvés en Suisse ».

2. pour les produits phytopharmaceutiques déjà autorisés dans les États membres de l’UE, une autorisation simplifiée sera possible sous « certaines conditions* ».

* sont visées : les conditions agronomiques, climatiques et environnementales comparables* sont visées : les conditions agronomiques, climatiques et environnementales comparables

L’autorisation simplifiée des PPP en provenance des pays de l’UE est régie par l’art. 45 al. 1 nouveau OPPhSi un demandeur soumet à l’organisme d’homologation (OFAG) l’autorisation et les bases d’évaluation d’un pays de l’UE, celui-ci doit également autoriser le pesticide en Suisse. Il y aurait certes encore une étroite issue de secours à l’article 45, paragraphe 1, de la loi sur la protection des données. 2 let. b, selon laquelle

« les organismes d’évaluation procèdent néanmoins à un examen (ordinaire) du dossier soumis s’il y a lieu de penser que cet examen conduirait à des restrictions d’utilisation du produit phytopharmaceutique plus sévères que si l’évaluation de l’État membre de l’UE concerné était retenue ».

Il n’est toutefois pas réaliste de penser que les autorités pourraient souvent utiliser la sortie de secours, car elles devraient prouver dans chaque cas qu’un examen en bonne et due forme est nécessaire. Plus ils l’invoqueraient, plus ils seraient soumis à la pression du lobby agricole pour ne pas le faire. De plus, comme il faut s’attendre à un afflux de nouvelles demandes, ils n’avaient pas la capacité de le faire.

Motif de l’autorisation simplifiée

Selon le rapport explicatif, l’autorisation simplifiée vise à répondre à une initiative parlementaire (22.441) et à une motion (21.4164) soutenues par les commissions compétentes.) sur « l’autorisation simplifiée des PPP ». Le rapport explicatif ne mentionne toutefois pas une autre raison principale de cette « autorisation simplifiée » : Au cours des dix dernières années, une montagne de plus de 800 demandes d’autorisation pour de nouveaux produits phytosanitaires s’est accumulée dans l’administration fédérale parce que le Parlement a constamment refusé d’augmenter les ressources en personnel nécessaires à un examen plus rapide de l’environnement et de la santé. Selon les dispositions transitoires de la nouvelle OPPh, le droit en vigueur doit être appliqué aux demandes en suspens. Toutefois, les demandeurs peuvent déposer des demandes d' »admission simplifiée » pour leurs 800 demandes. L’OFAG pourrait ainsi régler d’un trait de plume chacune des 800 demandes en suspens sans examen environnemental ou sanitaire pertinent. Cela permettrait de réduire plus rapidement la pile de dossiers.

L’objectif de la loi sur la protection de l’environnement, qui est d’améliorer la protection de l’homme et de l’environnement, n’a manifestement pas motivé cette innovation.

Que se passe-t-il lorsque l’autorisation simplifiée arrive ?

L’autorisation simplifiée doit être possible en Suisse pour les pesticides autorisés dans les pays présentant des « conditions agronomiques, climatiques et environnementales comparables » (art. 45 nouvelle OPSP).L’autorisation simplifiée doit être possible en Suisse pour les pesticides autorisés dans les pays présentant des « conditions agronomiques, climatiques et environnementales comparables » (art. 45 nouvelle OPSP). Würden solche Bedingungen z.B. bei den Nachbarländern (Deutschland, Frankreich, Italien und Österreich) angenommen, drohte in der Schweiz über kurz oder lang die Neuzulassung von Pestiziden mit rund 50 problematischen Wirkstoffen, die bislang nur in diesen Nachbarländern zulässig sind (Tab 2).

Le nombre de pesticides problématiques en Suisse (environ la moitié des quelque 300 substances actives autorisées) augmenterait ainsi d’environ 30%. Parmi les 50 substances actives problématiques, au moins 10 sont des pesticides hautement toxiques pour l’être humain et la nature (tableau 1).

Tableau 1 : Substances actives présentant un risque particulier. L’approbation des substances actives au niveau de l’UE signifie qu’un pays de l’UE peut, mais n’est pas obligé, d’autoriser les produits phytosanitaires contenant les substances actives en question.

Substance active

Formule brute

Fonction

Risque

autorisé

interdit

Gamma-cyhalothrine

C23H19ClF3NO3

Insecticide

Insecticide extrêmement puissant. Toxicité aquatique très élevée. Neurotoxique pour l’être humain. Endommage la qualité du sperme chez l’homme. Bioaccumulation.

FR, AT, EU

DE, IT, CH

Halosulfuron-méthyle

C13H15ClN6
O7S

Herbicide

Très toxique pour les organismes aquatiques; effets néfastes sur le long terme. Très nocif pour les oiseaux.

FR, IT, EU

DE, AT, IT, CH

Malathion

C₁₀H₁₉O₆PS₂

Insecticide

Potentiellement cancérigène, perturbateur endocrinien, toxique pour la reproduction humaine, toxicité aquatique très élevée. Très nocif pour les abeilles.

FR, EU, (uniquement sous serre)

DE, AT, IT, CH

Flumétraline

C16H12ClF4N3O4

Herbicide

Très toxique pour les organismes aquatiques et très persistant avec une longue demi-vie, immunotoxicité élevée pour les humains.

FR. EU

CH, DE, IT, AT,

Pyriproxyfène

C₂₀H₁₉NO₃

Insecticide / acaricide

Toxicité pour la reproduction chez la souris, perturbateur endocrinien chez les insectes et les araignées. Toxicité aquatique et bioaccumulation.

FR, IT, AT, EU

DE, CH

Sintofène

C₁₆H₁₈N₂O₄S

Herbicide / fongicide

Potentiellement cancérigène, toxicité aquatique, persistance dans le sol très élevée.

DE, FR, EU

IT, AT, CH

Tétraconazole

C₁₄H₁₈Cl₂N₄O₂

Fongicide

Toxique pour la reproduction des humains et des mammifères. Toxicité chronique très élevée pour les oiseaux.

DE, FR, IT, AT, EU

CH

Triallate

C₉H₁₆ClNOS

Herbicide

Potentiellement cancérigène, neurotoxique pour les mammifères et probablement aussi pour l’être humain, toxicité aquatique très élevée.

FR, IT, EU

DE, AT, CH

Quizalofop-P-tefuryl

C₁₉H₂₄F₃NO₄

Herbicide

Toxique pour la reproduction des mammifères et probablement aussi pour l’être humain.

EU, FR, AT

IT, DE, CH

2,4-DB

C8H6Cl2O3

Herbicide

Toxique pour la reproduction des mammifères et probablement aussi pour l’être humain, infertilité masculine, potentiellement cancérigène. Neurotoxique pour l’être humain et perturbateur endocrinien.

FR, EU

IT, DE, AT, CH

L’exemple du pyriproxyfène :

Cet insecticide présente une toxicité pour la reproduction chez la souris, et donc potentiellement chez l’être humain, et agit comme un perturbateur endocrinien chez les insectes et les araignées (favorisant la mort des insectes). Il se caractérise également par une forte toxicité aquatique et un risque de bioaccumulation.

…ou du 2,4-DB:

Cet herbicide est toxique pour la reproduction des mammifères et probablement aussi pour l’être humain. Il a été associé à l’infertilité masculine et peut provoquer le cancer. Il est également un perturbateur endocrinien et augmente le risque de maladie de Parkinson.

Si les pays d’Europe centrale de l’UE, à savoir la Hongrie (77)*, la Bulgarie (72)*, la Roumanie (63)*, la Slovaquie (49)*, la Belgique (18)*, les Pays-Bas (8)*, etc., devaient être considérés comme des pays présentant des conditions comparables à celles de la Suisse, beaucoup plus de pesticides problématiques pourraient être autorisés sans examen en Suisse.Si les pays d’Europe centrale de l’UE, à savoir la Hongrie (77)*, la Bulgarie (72)*, la Roumanie (63)*, la Slovaquie (49)*, la Belgique (18)*, les Pays-Bas (8)*, etc, sont considérés comme des pays présentant des conditions comparables à celles de la Suisse, il est probable que beaucoup plus de pesticides problématiques soient autorisés sans examen en Suisse.

* (entre parenthèses) : Indice de corruption selon Transparency International ; Suisse (7)

La Suisse devient-elle le royaume des pesticides ?

Si la « procédure d’autorisation simplifiée » était introduite, des produits contenant au moins 50 nouvelles substances actives problématiques pourraient être vendus aux agriculteurs et répandus dans l’environnement par ces derniers sans examen approfondi en Suisse. Hormis les régions de montagne, toute la Suisse serait concernée. Un nombre inconnu de substances actives se renforceraient mutuellement à travers l’effet cocktail. Nous sommes déjà confrontés à une forte pollution de nos sols et de nos eaux souterraines et potables due aux pesticides et à leurs métabolites. L’autorisation de dizaines d’autres substances actives hautement toxiques rendrait encore plus difficile l’évaluation des effets cocktails qu’aujourd’hui.

En comparaison avec les 27 pays de l’UE, c’est en Suisse, avec une superficie de seulement 1/100 de celle de l’UE, que cette révision totale mettrait sur le marché le plus grand nombre de substances actives et de produits phytosanitaires problématiques, qui se retrouveraient dans l’environnement et sous forme de résidus dans les denrées alimentaires et l’eau potable. En Suisse, la situation se révèlerait ainsi plus grave que dans l’ensemble de l’UE, où chaque pays n’a autorisé qu’une sélection de pesticides.

De plus, il serait encore plus difficile pour les autorités d’avoir une vue d’ensemble, déjà difficile aujourd’hui (il y a actuellement 3 500 produits phytosanitaires avec 300 substances actives), et la charge de travail liée au traitement administratif augmenterait significativement. Ensuite, l’infiltration de métabolites (= produits de la dégradation) de ces pesticides dans les eaux souterraines pourrait entraîner d’autres cas de type « chlorothanonil », qui a déjà conduit à l’abandon d’un grand nombre de captages d’eau potable et à des dommages se chiffrant en millions pour les fournisseurs d’eau.

L’homologation quasiment sans examen de pesticides de l’UE, jusqu’ici non autorisés en Suisse, aggraverait inévitablement la protection des animaux, des champignons aquatiques et des plantes menacés par ces pesticides en Suisse. Et ce n’est pas tout : pour la protection de l’être humain contre les pesticides nocifs (mots-clés : eau potable, mise en danger des utilisateurs), cette révision totale nous conduit droit dans le mur. En France, par exemple, la maladie de Parkinson (une affection caractérisée par la mort progressive des cellules nerveuses du cerveau moyen) est reconnue comme maladie professionnelle pour les agriculteurs.

Si l' »autorisation simplifiée » passe, la Suisse pourrait devenir le pays d’Europe avec le plus de différents pesticides problématiques, en plus des subventions agricoles presque les plus élevées du monde. Cela ne motive pas une agriculture moderne et la Suisse deviendrait le royaume des pesticides.

En revanche, une agriculture moderne pourrait être encouragée si, parmi les 800 dossiers de PPP en suspens, ceux qui concernent des substances actives à faible risque étaient traités en priorité. Les autres sont libres de rester sur le banc de touche.

Dans l’ensemble, la révision totale prévue non seulement n’apporterait aucune amélioration à la charge en pesticides pour l’homme et la nature en Suisse, mais elle entraînerait une détérioration. En bref, le nouveau projet est un projet sans ambition pour une meilleure protection de l’homme et de la nature, ce que l’on pourrait pourtant attendre d’une révision totale d’une législation ayant un impact sur l’environnement.

Outre les lacunes déjà mentionnées dans la révision totale, il existe des problèmes supplémentaires :

Il n’y a toujours pas de contrôle des effets des produits phytosanitaires sur les amphibiens, les champignons aquatiques, les abeilles sauvages et les autres insectes pollinisateurs. Selon l’article 10 de la nouvelle OPPh, il est même possible d’approuver en Suisse des substances actives qui ne sont pas approuvées dans l’UE. Cela comporte des risques considérables. Par exemple, les néonicotinoïdes, extrêmement toxiques pour les insectes pollinisateurs, pourraient être à nouveau autorisés si l’OSAV cédait à la pression du lobby agricole.

Appel à l’action :

Écrivez aux Conseillers nationaux et aux Conseillers aux États de votre canton (vous pouvez utiliser notre modèle pour cela). Exigez une amélioration radicale de la révision totale de l’OPPh. Et n’hésitez pas à partager le lien vers ce site.

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