Petit coléoptère, gros potentiel de dégâts
La chrysomèle occidentale des racines du maïs (Diabrotica virgifera virgifera) est un coléoptère de 4 à 7 mm de la famille des chrysomèles, originaire d’Amérique du Nord. Là, il est responsable d’importantes pertes de récolte dans les champs de maïs et est considéré comme un ravageur important de ce fourrage. Les dégâts sont dus au fait que, d’une part, les larves de coléoptères qui vivent dans le sol dévorent les racines du maïs et que, d’autre part, les adultes se nourrissent des feuilles et de la barbe du maïs (= filaments cicatriciels du maïs). La consommation de racines rend les plantes plus instables et limite l’absorption de nutriments et d’eau. La plante est ainsi affaiblie et peut même se tordre ou mourir en cas de forte infestation. En raison de l’absence de filaments stigmatiques, les grains de maïs ne peuvent pas être entièrement fécondés et ne mûrissent pas (voir photo à droite). Les pertes de récolte peuvent ainsi atteindre 50%. [1]
Situation en Suisse
Dans les années 1990, la chrysomèle des racines du maïs a été introduite en Europe et depuis 2000, elle est également présente en Suisse. En Suisse, le coléoptère est considéré comme un organisme de quarantaine. Cela signifie que toute suspicion de présence du coléoptère doit être signalée au service phytosanitaire cantonal et qu’il existe une obligation générale de lutte [2]. Pour la surveillance, environ 200 pièges à phéromones (attirant les insectes par des odeurs spécifiques à l’espèce) sont installés depuis 2020 sur l’ensemble de la zone de culture du maïs en Suisse. La carte ci-dessous montre les lieux de découverte et les zones interdites de 2023. En raison du nombre de captures de près de 7’000 coléoptères cette année dans 23 cantons [3] la culture du maïs sera interdite en 2024 sur les surfaces déjà cultivées en maïs en 2023 dans la plupart des régions de production de maïs (avec une légère dérogation dans le canton de LU [4]).
Les insecticides ne sont pas une solution
Aux États-Unis, la chrysomèle des racines du maïs a été combattue pendant de nombreuses années à l’aide des insecticides les plus puissants mais aussi les plus nocifs pour l’environnement, tels que le DDT, le lindane, l’endosulfan, le chlorpyryfos, les carbamates et les pyréthroïdes de synthèse. Mais cela n’a eu pour effet que de rendre le coléoptère résistant à tous ces insecticides [5]. Une fois de plus, on constate que l’utilisation de poisons contre les insectes nuisibles n’est pas une solution durable. De plus, aucun insecticide n’est aujourd’hui autorisé en Suisse contre la chrysomèle des racines du maïs.
Le système de rotation des cultures de la Suisse est en tout cas une meilleure stratégie. Par adaptation de la rotation des cultures, on entend que le maïs ne peut pas être cultivé deux années de suite dans le même champ et dans un rayon de 10 km à partir d’un foyer d’infestation [2]. Cela empêche très efficacement la propagation du coléoptère, car les œufs passent l’hiver dans le sol et les larves ne survivent au printemps que si elles trouvent une plante hôte (de préférence le maïs). Ce système est à la fois simple et efficace dans son principe et pourrait également offrir une solution pour d’autres parasites. Grâce à cette stratégie, la chrysomèle des racines du maïs n’a pas pu s’établir de manière nuisible en Suisse jusqu’à présent. Cependant, le nombre de captures augmente d’année en année. Le problème vient des pays voisins, où l’on ne travaille pas avec le système de rotation des cultures. De là, les coléoptères arrivent chaque année en Suisse. Bien que ces petites bêtes ne mesurent qu’un peu plus de 5 mm de long, elles peuvent voler jusqu’à 70 km [1].
Quel est le problème ?
Deux facteurs rendent l’infestation par la chrysomèle des racines du maïs problématique en premier lieu :
Si les surfaces sur lesquelles le maïs est cultivé étaient plus petites et si les cultures étaient plus mélangées, les populations de coléoptères ne pourraient même pas se développer de manière nuisible. Et si les besoins de l’industrie animale n’étaient pas aussi importants, il ne serait pas nécessaire de cultiver autant de maïs ou la pression pour une récolte abondante ne serait pas aussi forte. En Suisse, un quart des terres arables est consacré au maïs. Moins de 1% de ce maïs est destiné à la consommation humaine, le reste est utilisé comme aliment pour animaux dans l’industrie animale [6]. Une grande partie du maïs fourrage est utilisée pour l’engraissement des vaches laitières, afin qu’elles puissent fournir des rendements laitiers absurdement élevés. En 2022, une vache suisse moyenne produisait 7 200 litres de lait par an. Selon la race de la vache, cela pouvait aller jusqu’à 10’000 litres [7]. A titre de comparaison, la moyenne était encore de 5’500 litres de lait par an en 1999 [8]. Un système de haute performance dans l’industrie laitière et l’industrie animale en général est ainsi encouragé et entretenu – voulu et cofinancé par le législateur – qui est sujet à des perturbations et qui, en même temps, ne remplit pas les exigences d’une utilisation durable et orientée vers l’avenir de nos ressources.
Lutter contre la population de coléoptères par le biais de la rotation des cultures est une bonne solution, car cette approche ne nécessite pas de poisons ou d’autres interventions lourdes dans la nature. Cependant, le problème n’est pas résolu tant que les pays voisins n’adoptent pas une meilleure stratégie de culture ou que nous ne repensons pas notre système agricole (en passant d’une production de calories animales à une production de calories végétales et à des méthodes de culture alternatives, comme la permaculture). La culture du sorgho à la place du maïs pourrait également être intéressante à l’avenir. Selon les connaissances actuelles, cette espèce de millet originaire d’Afrique remplit les exigences qualitatives tant pour l’alimentation animale que pour l’alimentation humaine [9]. De plus, la plante est très résistante à la sécheresse et ne peut pas être attaquée par la chrysomèle des racines du maïs [10]. Nous tenons toutefois à souligner que le passage du maïs à une culture alternative ne résout pas le problème systémique des monocultures et de l’intensification de l’agriculture, et que de grandes populations de ravageurs (encore inconnues) pourraient également devenir un problème à l’avenir.
Sources :
[1] Sostizzio, T., Bünter, M. & Breitenmoser, S. (2020). Westlicher Maiswurzelbohrer. Agroscope Merkblatt, 121.
[2] Bundesamt für Landwirtschaft BLW (2019). Richtlinie Nr. 6, Bekämpfung des Maiswurzelbohrers (Diabrotica virgifera virgifera).
[3] Weibel, J. & Büntner, M. (2023). Überwachung von Diabrotica virgifera virgifera in der Schweiz (2000 – 2023). Agroscope.
[4] Landwirtschaft und Wald (lawa) (2021). Merkblatt Pilotprojekt Maiswurzelbohrer Kanton Luzern.
[5] Mainke, L. J., Souza, D. & Siegfried, B. D. (2021). The Use of Insecticides to Manage the Western Corn Rootworm, Diabrotica virgifera virgifera, LeConte: History, Field-Evolved Resistance, and Associated Mechanisms. https://doi.org/10.3390/insects12020112
[6] SRF (2014). Schweizer Mais: Immer mehr und mehr. https://www.srf.ch/news/schweiz/schweiz-schweizer-mais-immer-mehr-und-mehr (04.10.2023)
[7] Schweizer Bauernverband (2023). Milchstatistik der Schweiz 2022. Seite 35.
[8] Schweizer Bauernverband (2001). Milchstatistik der Schweiz 2000. Seite 23.
[9] Agroscope. Sorghum (Sorghum bicolor (L.) Moench). https://www.agroscope.admin.ch/agroscope/de/home/themen/pflanzenbau/ackerbau/kulturarten/alternative-kulturpflanzen/sorghum.html/ (04.10.2023)
[10] Agroscope (2023). Maiswurzelbohrer. https://www.agroscope.admin.ch/agroscope/de/home/themen/pflanzenbau/pflanzenschutz/agroscope-pflanzenschutzdienst/geregelte-schadorgnismen/quarantaeneorganismen/diabrotica.html (04.10.2023)