Fausta Borsani
Camille Carron, autrefois agriculteur à Fully, souffre de crises d’asthme. Il est le seul à témoigner à visage découvert dans une région où le vin et l’industrie chimique dominent. Camille Carron a des crises d’asthme quand il utilise des pesticides. L’ancien agriculteur a plusieurs jardins qu’il traite parfois avec des pesticides. Ces jours-là, il ne doit pas oublier ses médicaments. Son médecin lui a expliqué que ses crises d’asthme seraient causées par de minuscules particules dans l’air, comme des poussières de travaux de rénovation ou même des gouttelettes de pesticides. Camille Carron a déménagé plusieurs fois afin de fuir les pulvérisations de pesticides et le bruit perpétuel des hélicoptères qui les font..
Géraldine[i] est infirmière dans un hôpital valaisan. Depuis quinze ans, elle vit dans une région viticole. Lorsqu’elle est arrivée, elle a vécu pour la première fois de sa vie de violentes crises d’asthme. Après de nombreuses investigations, elle a constaté que ses crises d’asthme surviennent toujours quand les vignes près de sa maison sont pulvérisées. «Depuis lors, je ne sors plus les jours de traitement, je ferme toutes les fenêtres et je prends la voiture quand je veux aller me promener. Mais ces jours-là le soir quand je rentre à la maison, j’ai des difficultés respiratoires».
Géraldine et Camille Carron font partie des 150 habitant·e·s qui ont répondu à l’appel du journal valaisan Le Nouvelliste cet été et qui ont raconté les problèmes avec les traitements aux pesticides. C’était la première fois en Suisse qu’une enquête sur ce thème avait lieu. Les résultats donnent à réfléchir: septante-trois témoins ont raconté leurs problèmes de santé. Des symptômes apparaissent les jours de pulvérisation et disparaissent dans les heures qui suivent chez vingt-deux personnes. Seize personnes ont connu des problèmes respiratoires tels que démangeaisons dans la gorge, toux, inflammation nasale ou asthme. Sept personnes ont eu des maux de tête, deux des problèmes de peau, cinq ont souffert d’irritation des yeux et deux se sont senties mal.
Pour 35 autres témoins, le cas n’est pas aussi clair dans la relation temporelle avec le traitement, mais il semble que les symptômes soient tout de même liés aux pesticides. La plupart des personnes qui ont déclaré avec souffert de symptômes légers n’ont encore jamais consulté de médecin pour cela. Soit elles ont l’impression que ce n’est pas nécessaire, ou ils ne croient de toute façon pas qu’il y ait un lien avec la pulvérisation de pesticides. «Un allergologue m’a dit que c’était l’air sec du Valais causait ces symptômes», raconte une femme. «Il n’a jamais mentionné la possibilité que mes symptômes aient une quelconque relation avec les traitements par pulvérisation». Et elle n’est pas la seule à qui l’on dit que l’air valaisan serait la seule explication médicale. D’après Pierre-Olivier Bridevaux, responsable du service de pneumologie de l’hôpital du Valais, un air sec est pourtant plutôt favorable aux personnes avec des troubles respiratoires. «L’humidité est souvent liée à une hyperactivité bronchique diagnostiquée avec l’asthme.»
Bridevaux confirme que «des études menées dans d’autres pays, par exemple dans des régions viticoles de Californie ou de France, ont mis en évidence le lien entre des troubles respiratoires et des jours de pulvérisation.» Le risque de maladies respiratoires est connu des agriculteurs et agricultrices. Les médecins du service de pneumologie de l’hôpital du Valais interrogent habituellement les patients et patientes des voies respiratoires sur leur profession. Un facteur de risque connu pour le développement de l’asthme ou de maladie d’obstruction pulmonaire chronique, une maladie pulmonaire chronique qui provoque de la toux et de l’essoufflement, est bien l’exposition professionnelle répétée aux pesticides, explique-t-il. «De tels risques sont moins souvent documentés chez les riverains des vignobles. Certaines études montrent que l’exposition aux pesticides pendant la grossesse et chez de jeunes enfants augmente le risque de développer des symptômes respiratoires et de l’asthme.» Le fait est que les personnes habitant proche des vignobles, des vergers ou d’autres cultures agricoles, ne sont pas protégés: Le loi ne précise pas les distances spécifiques que le viticulteur ou l’agriculteur doit respecter par rapport à une maison d’habitation ou un jardin privé.
Source: Le Nouvelliste du 21 septembre 2020, Marie Parvex
[i] Nom anonymisé