Fausta Borsani
L’article 6 de la loi fédérale sur la protection des eaux le stipule clairement: les substances de nature à la polluer ne doivent pas être introduites dans une eau, par exemple depuis un champ. Il n’empêche que l’Office fédéral de l’agriculture, responsable de l’homologation des pesticides, a recours depuis des lustres de manière arbitraire aux valeurs dites RAC (abréviation de Regulatory Acceptable Concentration).
Les valeurs RAC ne sont pas scientifiquement fondées mais elles ont été adaptées par les autorités pour autoriser plus de pesticides et plus toxiques.
Ils autorisent une concentration de substances dans les eaux plus élevée que les valeurs limites plus strictes et scientifiquement justifiées de l’ordonnance sur la protection des eaux d’avril 2020. Ainsi le Conseil fédéral veut que ces valeurs de l’ordonnance soient tranquillement négligées. Car elles auraient des effets considérables sur l’agriculture, à savoir: les agriculteurstrices·trices produisent moins sans poison. Pour protéger à tout prix la production conventionnelle dépendante des pesticides, le Conseil fédéral souhaite continuer à autoriser de telles substances nocives pour les eaux. La justification pour cela est que les populations d’organismes aquatiques seraient déjà en train de se reconstituer.
La Commission de l’économie et des redevances du Conseil des États (CER-E) veut retirer l’autorisation de pesticides quand il est prouvé qu’ils dépassent dans l’eau la valeur limite de l’ordonnance sur la protection des eaux. Pourtant le Conseil fédéral va trop loin dans cette révision de la loi fédérale sur la protection des eaux. Dans sa prise de position, il demande d’avoir la compétence de renoncer au retrait d’autorisation ou d’approbation quand «une telle mesure pourrait compromettre gravement l’approvisionnement du pays en denrées issues de cultures agricoles importantes».
Cela pourrait par exemple se passer dans le cas du colza conventionnel car il nécessite une forte utilisation de pesticides. Le colza doit être en particulier protégé d’insectes voraces. C’est pourquoi des insecticides très poisons sont épandus, qui tuent de nombreux insectes même aux plus petites concentrations. Il n’y a pas encore d’alternative prête à l’emploi respectueuse de l’environnement dans la pratique. Donc si un insecticide comme l’Etofenprox contre le méligèthe du colza était interdit car sa concentration dans les eaux dépasse les valeurs limites de l’ordonnance sur la protection des eaux, alors l’agriculture suisse pourrait produire moins de colza. C’est ce que le Conseil fédéral ne veut pas car cela mettrait le puissant lobby agricole en mauvaise posture.
Avec les critères flous de l’approvisionnement du pays, chaque poison peut être cependant justifié. Et bien qu’une telle pesée d’intérêts en faveur de l’agriculture conventionnelle soit habituelle, elle n’est pas prévue dans la législation et elle viole le principe de précaution. L’espoir que des populations d’organismes aquatiques tuées, par exemple de crabes ou de plantes aquatiques, se rétablissement déjà, c’est tout simplement naïf. Chaque eau supporte constamment des charges en pesticides provenant de divers champs, vignobles et vergers, qui tuent de nombreux organismes aquatiques mêmes à de très faibles concentrations. D’où ces organismes aquatiques sont-ils censés revenir sis les eaux sont continuellement empoisonnées?
Pour l’association sansPoison, il est clair que les valeurs limites fixées dans l’ordonnance sur la protection des eaux par le Conseil fédéral concernant les pesticides dans les eaux, devraient également être cruciale dans le processus d’homologation. Il vaut mieux produire plus de produits Bio en Suisse et à l’étranger au lieu de dynamiser une production indigène intensive avec des pesticides nocifs pour l’eau. Et quelle quantité de production de colza est après tout raisonnable? Il pourrait être remplacé par la culture nettement plus écologique du tournesol.