Grâce à une plainte d’association : les eaux et les auxiliaires agricoles sont épargnés par l’insecticide problématique « téfluthrine »

En 2020, l'Office fédéral de l'agriculture (OFAG) a accordé à Syngenta l'autorisation d'utiliser l'insecticide à large spectre « téfluthrine » comme traitement de semences dans le maïs, les céréales, les betteraves fourragères et sucrières. Le pesticide, hautement toxique pour les eaux et les insectes utiles à l'agriculture, aurait ainsi pu être épandu sur une surface de plusieurs centaines de milliers d'hectares. Greenpeace a fait appel et a perdu en première instance. Le Tribunal fédéral, saisi en dernière instance, admet le recours et annule l'autorisation. Ce cas illustre de manière exemplaire l'importance du droit de recours des associations pour la protection de nos eaux et de nos sols.
Tefluthrin ist ein Breitbandinsektizid aus der Klasse der synthetischen Pyrethroide
Abbildung 1: Tefluthrin tötet praktisch das gesamte Insektenleben im behandelten Feld. Bild @StefanVogel

L'essentiel en bref:

  • Le Tribunal fédéral annule l’autorisation de la téfluthrine suite à une plainte de Greenpeace.
  • L’apport dans les eaux par le biais de drainages n’a pas été contrôlé, ce qui est contraire à la loi.
  • Ce jugement renforce la protection préventive de l’environnement et fixe de nouvelles normes pour les futures autorisations de pesticides.

La téfluthrine est un insecticide à large spectre appartenant à la classe des pyréthroïdes synthétiques. Il tue pratiquement toute la vie des insectes – ravageurs et auxiliaires – dans le champ traité. Le fabricant, Syngenta, fait la promotion de ce pesticide en affirmant qu’il est très stable dans le sol et qu’il garantit une « protection durable des cultures »[1]. En fait, la téfluthrine se dégrade si lentement qu’il faut environ un an pour que le champ traité puisse être recolonisé par des insectes utiles. Depuis les champs, la téflutrine se retrouve également dans les eaux, bien au-delà des critères de qualité publiés par le Centre Ecotox de l’EAWAG[2]. Plusieurs études l’ont prouvé[3], notamment pour les biotopes d’importance nationale[4].

Dans sa plainte, Greenpeace a notamment critiqué le fait que l’apport de téfluthrine dans les eaux provenant des drainages (environ 30% des surfaces d’assolement sont drainées[5]) n’avait pas été analysé, bien que cela soit prescrit par l’ordonnance sur les produits phytosanitaires (OPPh). L’OFAG a en revanche fait valoir que les drainages ne devaient pas être pris en compte en raison de l’état insuffisant des connaissances sur l’importance de cette voie d’apport. Le Tribunal fédéral rejette clairement ce prétexte. En fait, le problème de l’infiltration de pesticides par les drains est connu depuis les années 1990. Mais depuis, l’OFAG n’a pratiquement rien fait pour l’atténuer, et encore moins pour en tenir compte dans la procédure d’autorisation des produits phytosanitaires. Le droit en vigueur a été ignoré pendant des années. Si Greenpeace n’avait pas pu porter cette irrégularité devant le Tribunal fédéral grâce au recours de l’association, les choses auraient sans doute continué ainsi pendant des années. Le Tribunal fédéral s’est également appuyé sur le principe de précaution (art. 1 et 8 de la loi sur la protection de l’environnement). La décision du Tribunal fédéral a une importance qui va au-delà de ce cas particulier, puisqu’il sera nécessaire à l’avenir de déterminer et d’évaluer l’apport provenant des drainages pour toutes les homologations de PPP.

Un autre thème de la plainte était la destruction des insectes utiles tels que les coléoptères prédateurs ou les insectes pollinisateurs dans le champ traité et la possibilité de recolonisation après un an prônée par l’OFAG (thèse dite de la « récupération »). En l’occurrence, le Tribunal fédéral n’a certes pas déclaré illégale la directive européenne de 2002[6], qui ne fixe que de faibles limites à de tels effets. Il a toutefois renvoyé l’affaire à l’instance précédente (aujourd’hui l’Office fédéral de la sécurité alimentaire et des affaires vétérinaires) pour un nouveau jugement. Une nouvelle autorisation ne peut être accordée que si des conditions garantissent qu’une recolonisation par des organismes utiles est effectivement possible. La thèse de la récupération présuppose que les champs traités à la téfluthrine sont adjacents à d’autres surfaces non traitées où les populations d’insectes utiles sont intactes. Pour cela, il faudrait limiter l’application en termes de surface et de durée. Cela limitera probablement fortement l’utilisation future de la téfluthrine. Cela profite non seulement à la nature, mais aussi à l’agriculture, qui profite énormément de populations saines d’auxiliaires. Sans le droit de recours des associations, ce sujet important n’aurait lui non plus jamais pu être jugé.

Vous trouverez ci-joint le jugement complet du Tribunal fédéral en allemand ainsi qu’en français et en anglais (traduit avec Deepl, l’association sansPoison n’assume aucune responsabilité):


[1] https://www.burgenlandnews.at/wp-content/uploads/2019/12/ForceEvo.pdf

[2] https://www.oekotoxzentrum.ch/news-publikationen/news/qualitaetskriterien-am-oekotoxzentrum-neue-werte-und-substanzen-neue-gesamtliste

[3] https://www.bafu.admin.ch/dam/bafu/de/dokumente/wasser/fachinfo-daten/aquagas-2022-insektizide-fliessgewaesser.pdf.download.pdf/FA_Daouk_0422_D.pdf


[4] https://www.oekotoxzentrum.ch/media/eh3izdr0/psm_monitoring-bericht-2021.pdf

[5] https://www.agrarforschungschweiz.ch/2022/11/die-nutzung-von-vernaessenden-feuchtackerflaechen-neu-denken/

[6] «SETAC-Richtlinie» siehe: https://www.pan-europe.info/sites/pan-europe.info/files/public/resources/other/_ESCORT 2_non-target arthropods.pdf

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