La procédure d’homologation de l’UE pour les produits phytosanitaires critiquée
L’Office fédéral allemand de l’environnement (UBA) critique vivement la procédure d’autorisation actuelle des produits phytosanitaires de l’Union européenne[1]. Du point de vue de l’UBA, cette procédure compromet systématiquement les préoccupations environnementales et affaiblit les normes de protection nationales.
Points clés de la critique:
- Lien avec la première évaluation d’autres pays de l’UE :
Le règlement européen sur les produits phytopharmaceutiques prévoit qu’un État membre procède à la première évaluation d’une substance active ou d’un produit. Les autres États – dont l’Allemagne – sont alors liés par cette évaluation, même s’ils ont des doutes fondés sur de nouvelles connaissances scientifiques ou sur des conditions environnementales nationales spécifiques. Selon l’UBA, les évaluations nationales propres ne sont pas cohérentes avec le droit européen, car elles sont en contradiction avec l’objectif d’un marché intérieur harmonisé.
- Abaissement du niveau de protection par le « Forum-Shopping »:
Les fabricants peuvent choisir spécifiquement l’État membre qui applique les normes de protection les plus faibles pour la première évaluation. Comme d’autres pays doivent adopter l’évaluation, c’est la norme la plus basse qui s’impose dans toute l’Europe. En Allemagne, seules 9 % des autorisations ont été auto-évaluées en 2019/2020 (2011–2013: 46 %), ce qui empêche les autorités allemandes de prendre une décision autonome dans plus de 90 % des cas. Cela montre que les fabricants de pesticides ont trouvé des pays qui leur sont « plus favorables ».
- Ignorer les nouvelles connaissances scientifiques:
De nombreuses autorisations reposent sur des données obsolètes, car les réautorisations au niveau de l’UE sont souvent retardées pendant des années. Selon la jurisprudence actuelle, les nouvelles études et données de mesure provenant d’Allemagne ne peuvent pas être prises en compte si elles n’ont pas déjà été utilisées par le premier État évaluateur – même si ces données prouvent des risques graves pour l’environnement et la santé.
- Absence de méthodes d’évaluation et lacunes dans l’évaluation:
Les nouvelles connaissances scientifiques ne pourront être intégrées dans l’évaluation des risques que lorsqu’il existera une méthode d’évaluation harmonisée à l’échelle de l’UE. Pour les aspects environnementaux clés tels que les effets sur la chaîne alimentaire et la biodiversité, de telles méthodes font souvent défaut pendant des années. L’UBA se voit donc dans l’impossibilité de remplir son mandat légal d’évaluation environnementale globale.
- Problèmes environnementaux concrets en Allemagne:
Des exemples comme les herbicides flufénacet et S-métolachlore montrent que leurs produits de dégradation dépassent déjà les valeurs seuils dans les eaux brutes et menacent l’approvisionnement en eau potable. Pourtant, les autorités allemandes n’ont pas été en mesure d’imposer des conditions visant à protéger les eaux souterraines, car elles sont liées à l’autorisation accordée à l’échelle européenne. La protection des organismes du sol, tels que les vers de terre, dont le danger de certains pesticides a été prouvé en Allemagne, mais qui ne devait pas conduire à un gel national des autorisations, pose un problème similaire.
- Contradiction avec les objectifs environnementaux et de durabilité:
Les pratiques actuelles en matière d’autorisation vont à l’encontre des programmes politiques tels que le plan d’action national pour l’utilisation durable des produits phytosanitaires, la stratégie « de la ferme à la table » et l’ambition « zéro pollution » de l’UE. Les objectifs de protection de l’environnement et de la santé ne peuvent pas être atteints de cette manière.
Conséquences pour la Suisse
La révision de la Loi sur l’agriculture lancée par le Parlement sous le titre douteux de « Une protection des plantes moderne, c’est possible » veut que les distributeurs de pesticides puissent transférer les autorisations de produits phytosanitaires de l’UE[2] vers la Suisse sans évaluation sanitaire et environnementale pertinente. Cela reviendrait à importer en Suisse les dysfonctionnements qui existent dans l’UE. L’association OhneGift s’oppose à la révision.
Conclusion
La procédure d’autorisation actuelle de l’UE pour les produits phytosanitaires met en danger la protection de l’environnement et de la santé, car elle ignore les connaissances scientifiques, supprime les évaluations nationales et se base sur le plus petit dénominateur commun. Avec la révision actuelle de la Loi sur l’agriculture, la Suisse court le risque de reprendre ces défauts sans les critiquer. Une procédure de contrôle autonome et axée sur l’environnement reste donc indispensable.
[1] Deutsches Umweltbundesamt (2025): Pestizidzulassungen hebeln Umweltschutz aus
[2] OhneGift (2024): Keine Bewilligung mit dem Giesskannenprinzip: Revision LwG