L’association SansPoison demande :
L’utilisation de fongicides azolés dans l’agriculture doit être minimisée afin de limiter le développement de la résistance des espèces d’Aspergillus. Il faut s’assurer que les traitements médicaux à base de fongicides azolés restent efficaces.
Contexte
Les fongicides azolés sont utilisés pour lutter contre les moisissures. Ils sont autorisés dans l’UE et en Suisse comme produits phytosanitaires, biocides (par exemple dans les produits de protection du bois) et produits chimiques industriels, mais sont également utilisés comme médicaments pour les humains et les animaux. Dans la nature, les champignons appartiennent souvent au genre Aspergillus (A. fumigatus, A. flavus, A. terreus et A. niger). Aspergillus fumigatus est le principal responsable d’infections respiratoires graves telles que l’aspergillose invasive. La maladie peut être traitée avec des médicaments azolés tels que l’itraconazole et le voriconazole, et il n’existe pratiquement pas de traitement alternatif. Aspergillus peut développer une résistance aux fongicides azolés, ce qui réduit l’efficacité des médicaments azolés. Par conséquent, le taux de mortalité en cas d’infection par A. fumigatus résistant aux azoles varie entre 36% et 100%.1
Un rapport récent de l’Autorité européenne de sécurité des aliments (European Food Safety Authority (EFSA))1 examine pour la première fois de manière approfondie l’influence de l’utilisation non médicale d’azoles, par exemple comme produits phytosanitaires dans l’agriculture, sur le développement de souches d’Aspergillus résistantes. Leurs résultats montrent un lien clair entre l’épandage de fongicides azolés dans l’environnement et le développement de résistances de différentes souches d’Aspergillus. Dans ce contexte, les résistances croisées avérées (résistance simultanée à plusieurs substances similaires) d’A. fumigatus aux azoles médicaux sont notamment très problématiques. Le rapport se réfère à l’UE, mais les résistances aux azoles sont également de plus en plus fréquentes en Suisse.2
Utilisation importante d’azoles comme produits phytosanitaires
Entre 2010 et 2021, environ 120’000 tonnes d’azoles ont été vendues dans l’UE pour des usages non médicaux. Sur ce total, 119’000 tonnes ont été utilisées comme produits phytosanitaires.1
L’agriculture, principale responsable de la résistance aux azoles
La résistance aux azoles peut se développer de deux manières différentes (figure 1). Lors d’une infection par des spores d’azole (non résistantes), une résistance peut se développer directement chez le patient ou la patiente suite à un traitement médical avec des médicaments azolés. Mais les résistances se développent principalement lors de l’épandage de pesticides et de biocides dans l’environnement. Ces spores résistantes se propagent dans l’environnement et peuvent infecter les humains. Une infection par de telles souches résistantes est difficile à traiter, car les médicaments azolés habituels ne sont plus efficaces.1

Les principaux facteurs de risque favorisant la résistance aux azoles sont l’utilisation agricole de fongicides azolés et leur utilisation comme biocides (figure 2). En effet, les azoles sont utilisés comme pesticides dans l’agriculture. La gestion des déchets verts traités est un facteur déterminant dans le développement de la résistance. Les déchets de récolte ou les résidus végétaux stockés en vue d’un compostage sont particulièrement problématiques à cet égard. Les azoles sont également utilisés comme biocides, par exemple comme produits de protection du bois. Ainsi, le bois traité à l’azole représente également un risque potentiel pour la formation de résistances chez les champignons.1 Les mesures possibles qui peuvent être prises pour empêcher la formation et la propagation de résistances aux azoles sont présentées dans le chapitre « Mesures possibles ».

Utilisation d’azoles comme pesticides en Suisse
En Suisse, environ 24’000 kg de substances azolées sont vendues en moyenne chaque année comme pesticides. Les statistiques de vente sont dominées par les trois substances actives principales que sont le difénoconazole, le prothioconazole et le tébuconazole.3 Une autre substance active – le méfentrifluconazole – a été récemment autorisée et inscrite dans la liste des produits phytosanitaires. Celle-ci est en outre considérée comme un composé alkyle per- et polyfluoré (PFAS).4 Nous avons déjà évoqué à plusieurs reprises la nocivité des PFAS, par exemple dans une interview de Basil Thalmann ou dans un article sur le trifluoroacétate (TFA). Quatre autres fongicides azolés sont également autorisés en tant que biocides, par exemple dans les produits de protection du bois.5 Pour les biocides, les distributeurs ne sont tenus de communiquer les quantités vendues à l’OFEV qu’à partir de 2024, alors que cela est déjà obligatoire depuis 10 ans pour les produits phytosanitaires. Par conséquent, il ne sera possible d’obtenir des chiffres concrets sur les quantités de biocides vendus qu’à partir de fin 2025.6
Mesures possibles
Pour lutter efficacement contre la résistance croissante aux azoles chez les espèces d’Aspergillus, en particulier A. fumigatus, une stratégie globale est nécessaire. Dans l’agriculture, l’utilisation de fongicides azolés devrait être limitée et la recherche de produits phytosanitaires alternatifs intensifiée.
En outre, les déchets organiques traités à l’azole (par exemple les déchets verts ou les résidus de bois) doivent être stockés de manière contrôlée et isolée de l’environnement afin d’éviter la propagation d’éventuelles résistances.
Pour le bois traité aux azoles, il faut veiller à ne pas le mélanger au compost lors du stockage.
Le stockage séparé et l’incinération du bois traité devraient minimiser la propagation des résistances.
Il est également recommandé d’informer les utilisatrices et utilisateurs d’azoles des risques potentiels.
Dans le domaine médical, un meilleur diagnostic, une surveillance étroite et une sensibilisation sont essentiels. Parallèlement, la recherche doit développer de nouveaux antifongiques (moyens de traitement ou de prévention des infections fongiques) avec des mécanismes d’action alternatifs. L’utilisation de biocides, notamment la concentration d’azole dans les produits de protection du bois, devrait également être minimisée et leur élimination améliorée. Enfin, dans le cadre de la procédure d’autorisation de mise sur le marché dans l’UE et en Suisse, les nouveaux fongicides devraient être soumis à des tests de résistance croisée avec les antifongiques médicaux avant leur approbation.
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Conclusion
L’utilisation excessive de fongicides azolés dans l’agriculture et l’industrie favorise le développement de souches résistantes et compromet l’efficacité de médicaments vitaux. Comme il n’existe guère de traitements médicaux alternatifs, il est urgent de changer de mentalité. Une stratégie globale comprenant des réglementations plus strictes, une utilisation optimisée et une recherche accrue est nécessaire pour endiguer le développement des résistances et garantir l’efficacité des antifongiques à long terme. En particulier, une réduction de l’utilisation dans l’agriculture et l’industrie pourrait aider à lutter contre ce problème.
1 EFSA (2025): PLS: Azole resistance in Aspergillus spp.
2 Imhof, Schneemann und Schaffner (2005): Medikamente zur Therapie von invasiven Pilzinfektionen
3 BLW (2025): Verkaufsmenge der Pflanzenschutzmittel-Wirkstoffe
4 Bundesamt für Lebensmittelsicherheit und Veterinärwesen BLV (2024): Pflanzenschutzmittelverzeichnis – Wirkstoff: Mefentrifluconazol
5 BAG – Anmeldestelle für Chemikalien (2023): Liste mit den Bioziden Wirkstoffen
6 BAG – Anmeldestelle für Chemikalien (2024): Mitteilungspflicht für die Mengen von in Verkehr gebrachten Biozidprodukten