Biocides : un danger caché pour les pollinisateurs

Dans les zones urbaines, les biocides contenus dans les sprays insecticides ou les produits de protection du bois menacent les abeilles et autres pollinisateurs. Même de petites quantités suffisent à nuire à ces insectes sensibles, et ce souvent précisément dans leurs lieux de refuge.
jemand streut Biozide auf Misthaufen aus
Abbildung 1: Das Biozid Larvanon (Wirkstoff Cyromazin) wird in Tierställen und auf Mist ausgebracht, um die Entwicklung von Fliegenlarven zu verhindern. Bild: Kerbl

L'essentiel en bref:

  • De nombreux produits biocides contiennent des substances actives hautement toxiques qui, même en petites quantités, peuvent nuire aux insectes pollinisateurs comme les abeilles.
  • L’utilisation de biocides à la maison, dans les jardins privés et dans les espaces publics en fait des zones dangereuses pour les pollinisateurs, même en dehors des zones agricoles.
  • Il est incompréhensible que des substances actives soient interdites en tant que produits phytosanitaires, mais qu’elles continuent à circuler en tant que biocides.

L’association SansPoison demande :

Les produits biocides dont les substances actives sont interdites en tant que produits phytosanitaires dans l’agriculture doivent également être interdits pour l’usage privé.

Biocides dans les zones résidentielles – danger pour les pollinisateurs

Les insectes pollinisateurs sont exposés à de nombreux poisons, non seulement dans l’agriculture, mais aussi dans les zones urbaines.
Dans le contexte du déclin des pollinisateurs (voir l’article de blog « Pollinisateurs – de minuscules héros en danger »), ce problème doit être pris en compte.
Les biocides, utilisés par les particuliers et les pouvoirs publics, constituent une source centrale de polluants environnementaux dans les zones urbaines (voir encadré orange « Que sont les biocides ? »).
Ils sont répandus dans les jardins, dans les ménages, sur les façades des bâtiments, sur les textiles ou dans les espaces publics.
De là, les substances toxiques peuvent facilement se répandre dans l’environnement et mettre en danger les insectes pollinisateurs.
Concrètement, les pollinisateurs peuvent entrer en contact avec les biocides par quatre voies :[1].

  • Consommation d’aliments contaminés (nectar, pollen, feuilles)
  • Consommation d’eau contaminée (flaques d’eau, points d’eaux ou rivières naturels)
  • Contact avec des matériaux contaminés, par exemple dans l’abri ou sur le lieu de nidification (terre, boue, litière, bois, tiges)
  • Contact direct dans l’air pendant l’épandage des produits

Que sont les biocides ?

Les biocides sont des substances actives qui – du point de vue humain – tuent les êtres vivants indésirables ou limitent leur fonction vitale.
Les substances actives peuvent être des composés chimiques de synthèse, des micro-organismes ou des substances d’origine naturelle.[2] La différence avec les produits phytosanitaires réside dans leur domaine d’application : ces derniers sont principalement utilisés dans l’agriculture pour protéger les cultures, tandis que les biocides sont également utilisés en dehors de l’agriculture pour protéger les personnes et les matériaux.
Les biocides peuvent être grossièrement classés en quatre groupes :[3]
– les désinfectants
– les produits de protection
– les produits de lutte contre les nuisibles
– autres (par ex. produits antisalissures ou liquides pour l’embaumement). Sur le plan juridique, l’utilisation des biocides est régie par l’ordonnance sur les produits biocides (OPBio).

Petites quantités, gros impact

Contrairement aux produits phytosanitaires, les volumes de vente des produits biocides n’étaient pas recensés jusqu’à l’année dernière.
La dernière révision de l’OPBio[4] a changé la donne.
Depuis le 1er janvier 2024, les quantités de produits biocides mises sur le marché doivent être enregistrées. Comme ces données ne seront disponibles que dans le courant de l’année, il faut recourir provisoirement à des estimations.
En 2021, l’utilisation de produits biocides dans toute la Suisse a été estimée sur la base de données douanières.[5] Seules les substances actives insecticides ont été prises en compte.
Le bilan (importations moins exportations) de toutes les substances actives indique une utilisation estimée à 13,6 tonnes/an pour l’ensemble de la Suisse.
[6]

Comparé aux quantités de produits phytosanitaires vendus, ce chiffre semble faible – pour ceux-ci, certaines substances actives atteignent déjà cet ordre de grandeur.[7] Néanmoins, les produits biocides ont un impact important : de nombreux biocides sont hautement toxiques et peuvent donc, même en petites quantités, nuire considérablement aux organismes non ciblés comme les pollinisateurs en cas de contact.
A cela s’ajoute le fait que les zones construites, où les biocides sont principalement utilisés, sont des refuges importants pour les insectes pollinisateurs, notamment les abeilles sauvages (voir l’article de blog « Exode rural des insectes – Les villes, hotspot de la biodiversité ?») Ainsi, même des quantités apparemment faibles constituent un danger pour les pollinisateurs.

Hautement toxique pour les pollinisateurs

En Suisse, trois substances actives représentent plus de 90 pour cent de la quantité totale estimée : Cyromazine, perméthrine et thiaméthoxame.[5] La cyromazine est utilisée pour lutter contre les larves de mouches dans le lisier et le fumier (voir figure 1).
La perméthrine fait partie du groupe hautement toxique des pyréthroïdes et est généralement utilisée contre les insectes.
Le thiaméthoxame, qui fait partie des néonicotinoïdes également très toxiques, est utilisé comme produit de protection du bois contre les termites et les coléoptères.
Les trois substances actives sont interdites d’utilisation en tant que produits phytosanitaires, mais elles sont toujours utilisées en tant que biocides.

Le fait que les substances actives aient été interdites dans l’agriculture témoigne déjà de leur nocivité pour l’environnement ou la santé. Mais en quoi représentent-elles un danger pour les insectes pollinisateurs ? L’exemple de la perméthrine le montre clairement. La perméthrine est une neurotoxine qui paralyse les insectes en cas de contact.[8] La substance a un large spectre d’action et est utilisée contre une multitude de « parasites ». On peut citer par exemple les crèmes contre la gale, le traitement des tapis en laine et autres textiles contre les mites ou les sprays domestiques contre les mouches, les moustiques ou les guêpes.

Les analyses de risques [9] [10] montrent que la perméthrine est également très toxique pour les organismes non ciblés comme les abeilles et autres arthropodes utiles. Même en très petites quantités, la perméthrine peut nuire aux insectes pollinisateurs : Moins d’un millionième de gramme de perméthrine par abeille suffit à tuer la moitié d’une colonie.
[11]

La majorité des gens sait peu que les insecticides en spray et autres produits biocides que les particuliers peuvent utiliser dans leur maison et leur jardin constituent une source de danger importante pour les insectes pollinisateurs.

Conclusion

De nombreux produits biocides contiennent des substances actives hautement toxiques pour les insectes pollinisateurs. Même des quantités infimes peuvent nuire aux insectes ou les tuer. Il est incompréhensible que ces substances actives soient interdites en tant que produits phytosanitaires, mais qu’elles continuent à circuler en tant que produits biocides.

Les insecticides utilisés dans la maison et le jardin mettent en danger les insectes pollinisateurs. Il est discutable de déléguer aux particuliers la responsabilité d’une utilisation correcte. La Confédération devrait ici prendre ses responsabilités et interdire les produits hautement toxiques aux particuliers.


[1] Joya & Strauss (2023): Bienen – Blumen – Biozide. UMCO

[2] BAFU (2021): Sorgfältiger Umgang mit Biozidprodukten.

[3] SECO (2020): Biozide.

[4] CHEM (2023): Revision der Biozidprodukteverordnung.

[5] Spycher, Ritscher & Dübendorfer (2021): Biozide mit insektizider Wirkung. Mengenabschätzung des schweizweiten Einsatzes. EBP

[6] Pour le Danemark, il s’agit de 14 tonnes par an. Il n’existe pas de données comparables pour d’autres pays.

[7] Voir BLW (2025): Verkaufsmenge je Pflanzenschutzmittel-Wirkstoffe 2024_revidiert.

[8] Institut für Veterinärpharmakologie und ‑toxikologie (2025): Wirkstoff – Pharmkologie. Permethrin.

[9] European Chemicals Agency (ECHA) (2014): Evaluation of active substances. Assessment Report. Permethrin.

[10] Mahefarisoa et al. (2021): The threat of veterinary medicinal products and biocides on pollinators: A One Health perspective.

[11] En cas de contact aigu LD50 = 0.0235 μg/ abeille. Données de l’ ECHA (2014)

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