L’association SansPoison demande :
Pour la production d’énergie, l’extension et la rénovation du réseau, la Suisse doit miser sur des technologies sans SF6 – afin que la décarbonisation du système énergétique ne soit pas freinée.
Non toxique pour les êtres humains, très problématique pour l’environnement
L’hexafluorure de soufre (SF6) est un gaz non toxique pour l’être humain. Cependant, son potentiel de gaz à effet de serre est environ 25’000 fois plus important que celui du CO2. C’est pourquoi il est interdit en Suisse. Il existe toutefois des dérogations pour certaines utilisations en raison de ses propriétés chimiques particulières. [1]
L’une des plus importantes est le cas de l’infrastructure électrique. En effet, le gaz est principalement utilisé pour l’isolation dans les systèmes fermés des installations à haute et moyenne tension. Tant que le gaz reste dans ces systèmes et qu’il est correctement éliminé ou recyclé à la fin de la vie des installations, ce n’est pas un problème. Cependant, malgré les normes techniques les plus élevées, le taux de fuite moyen de ce gaz se situe entre 0,1 % et 0,5 % par an (au niveau mondial).
Cela semble peu à première vue. Pourtant, en raison de sa longue demi-vie[2] de 3’200 ans (cf. le CO2 a une demi-vie de 50 à 200 ans), les effets du SF6 libéré dans l’atmosphère sont quasi permanents. Même si les émissions n’augmentent pas et restent au niveau actuel, le SF6 jouera un rôle de plus en plus déterminant parmi tous les gaz à effet de serre en raison de sa longue durée de vie.
Structure et propriétés chimiques du SF6
Le SF6 est un gaz non toxique, incolore, inodore et non inflammable. Comme on peut le voir sur la figure 2, six atomes de fluor sont disposés autour d’un atome de soufre. Ce composé de soufre et de fluor est très fort. C’est pourquoi le SF6 est chimiquement stable et ne se dégrade que très lentement. Grâce à la bonne capacité d’isolation du gaz, aucun claquage électrique et donc aucun court-circuit ne peut se produire dans les installations électriques. Si des étincelles se produisent, elles sont immédiatement éteintes par le gaz. De plus, le SF6 remplit ses fonctions même à des températures très élevées ou très basses (comme aucun autre gaz).
Les concentrations dans l’atmosphère augmentent de manière linéaire
En raison de son fort potentiel de gaz à effet de serre, le SF6 a été inscrit dans le protocole de Kyoto de 1997 comme l’un des six gaz dont les émissions dans l’environnement doivent être réduites au niveau mondial. Malgré cela, la concentration globale de SF6 augmente presque linéairement depuis lors (voir figure 3).[3] Des mesures ont montré qu’environ 8’000 tonnes de SF6 sont rejetées chaque année dans l’atmosphère. Cela équivaut à 175 millions de tonnes de CO2, soit quatre fois plus que les émissions annuelles de CO2 de toute la Suisse.
Chaque kilogramme non émis fait la différence
1 kg de SF6 a le même impact sur le climat que 25 tonnes de CO2 émises. Cela correspond à peu près aux émissions de CO2 de dix personnes qui prennent l’avion de Zurich à New-York.
Les émissions diminuent en Suisse
L’inventaire des gaz à effet de serre de la Suisse recense également les émissions de SF6 depuis 1990 (voir figure 4). Il en ressort qu’une baisse sensible a pu être constatée depuis le pic de 11,24 tonnes atteint en 2015. Selon le NID (National Inventory Document)[4] pour les gaz à effet de serre en Suisse, l’augmentation des émissions entre 2010 et 2015 provient probablement de l’élimination des fenêtres isolantes contenant du SF6.
Selon la NID, les émissions des infrastructures électriques sont mesurées en « contrôlant périodiquement les fuites des installations électriques en service qui contiennent du SF6, en ajoutant les pertes et en déclarant les quantités ajoutées […] comme émissions ».
La valeur atteinte d’un peu plus de deux tonnes de SF6 en 2022 correspond en équivalents CO2 à la consommation annuelle de CO2 d’environ 10 000 personnes[5] en Suisse. Cela correspond tout de même au seuil à partir duquel une commune est considérée comme une ville en Suisse.
Une approche volontaire par secteur comme solution ?
En Suisse, l’utilisation du SF6 est réglementée par l’Ordonnance sur la réduction des risques liés aux produits chimiques (ORRChim). Pour les installations contenant plus d’un kilogramme de SF6, il existe une obligation de signalement à l’Office fédéral de l’environnement (OFEV).
Depuis 1999, il existe une solution volontaire par secteur pour le SF6, coordonnée par Swissmem (Association de l’industrie suisse des machines, des équipements électriques et des métaux). Les parties contractantes y stipulent qu’elles veulent limiter les émissions de SF6 pour les installations à très haute, haute et moyenne tension à moins d’une tonne par an. Depuis 2021, la valeur cible la plus basse jusqu’à présent est en vigueur et les émissions de ce secteur ne doivent pas dépasser une tonne par an.
Une requête auprès du Dr Christiane Roth de Swissmem confirme que la valeur cible d’une tonne de SF6 pour les installations à haute et moyenne tension a pu être respectée pour les années 2022 et 2023. En 2021, l’objectif a été nettement dépassé d’une bonne tonne et demie, ce qui, selon Roth, constitue une exception, les émissions s’étant déjà situées à environ une tonne ou moins les années précédentes.
La Suisse est-elle sur la bonne voie ?
Dans l’inventaire des gaz à effet de serre, on remarque que l’évolution des émissions de SF6 est à la baisse. La solution sectorielle a respecté les objectifs qu’elle s’était imposés depuis 1999 pour la plupart des années. Mais la prudence reste de mise. La Suisse fait face à d’importants investissements dans l’infrastructure électrique. D’une part, une partie de l’infrastructure de réseau est obsolète et doit être renouvelée.[6] D’autre part, les installations de production d’énergie renouvelable décentralisées (p. ex. parcs solaires, bassins d’accumulation) nécessitent une extension du réseau.
L’association SansPoison demande que des alternatives sans SF6 soient systématiquement utilisées dans ce cadre.
Des alternatives au SF6 existent
Les alternatives au SF6 dans l’infrastructure électrique doivent en principe remplir trois fonctions :
- Isolation des champs de forte intensité
- Refroidissement
- Interruption des flux de courant
Les alternatives ne doivent pas nécessairement être des gaz. Il est également possible d’utiliser des agents solides ou liquides.
Au cours des dix dernières années environ, différents fabricants ont développé des appareillages électriques sans SF6. Par exemple, ABB a lancé en 2015 sa première installation moyenne tension sans SF6, composée principalement d’air sec et de fluorocétone. Siemens propose également des produits sans SF6 pour les installations à moyenne tension, Hitachy Energy et Siemens Energy pour les applications à haute tension.
Pourquoi la transition de l’industrie ne se fait-elle pas de manière conséquente ?
Christine Roth de Swissmem explique que le SF6 ne peut pas être simplement remplacé par un autre gaz dans les installations existantes, car des adaptations techniques complètes sont nécessaires. Tant que les installations n’ont pas dépassé leur durée de vie, un remplacement généralisé n’est pas réaliste, car les investissements et la consommation de ressources seraient trop élevés.
La transition est en cours
Le réseau électrique est actuellement en cours d’extension, non seulement en Suisse mais aussi dans le monde entier, afin de décarboniser le système énergétique. La Commission européenne estime que les émissions de SF6 dans l’UE auront presque doublé d’ici 2050, si aucune alternative au SF6 ne se présente.
Selon le règlement de l’UE sur les gaz fluorés révisé et publié en février 2024, dans lequel le SF6 est notamment réglementé, une élimination progressive du SF6 sera imposée à partir de 2026, sous réserve de l’existence de solutions techniques.[7]
L’OFEV est en train de préparer une adaptation de la législation suisse qui prévoit une mise au pas avec celle de l’UE.
[1] https://www.swissmem.ch/fileadmin/user_upload/Content/Klima_Umwelt_Energie/SF6/D/Swissmem_SF6_Flyer_DE.pdf
[2] Temps nécessaire pour que la moitié de la substance soit dégradée naturellement
[3] https://gml.noaa.gov/hats/combined/SF6.html
[4] https://www.bafu.admin.ch/dam/bafu/en/dokumente/klima/klima-climatereporting/National_Inventory_Document.pdf.download.pdf/National_Inventory_Document_CHE_2024.pdf
[5] en supposant une émission moyenne de 5 tonnes par personne (https://www.bafu.admin.ch/bafu/de/home/themen/klima/fragen-antworten.html#:~:text=Die%20Schweiz%20verursacht%2041.6%20Mio,Emission%20von%20rund%205%20Tonnen.)
[6] https://www.swissgrid.ch/de/home/projects/future-grid.html#netzplanung-mit-weitsicht
[7] https://www.eaton.com/ch/de-de/company/news-insights/blog/sf6-free-switchgear-is-big-win.html