Trifluoroacétate – une nouvelle étude montre de graves malformations chez les lapins – classification prévisible pour cette substance comme toxique pour la reproduction de catégorie 1B

Le trifluoroacétate (TFA), un produit chimique éternel, est largement répandu dans l'environnement et pollue les eaux souterraines, les eaux de surface et l'eau potable. Les nouvelles données toxicologiques classent le TFA dans une catégorie beaucoup plus problématique que ce qui est considéré jusqu'à aujourd'hui, ce qui entraînera une baisse significative des valeurs limites. Si l'on ne met pas rapidement un terme aux rejets de TFA dans l'environnement, l'assainissement des eaux entraîneront de coûts très importants.
TFA gibt es fast in allen Gewässern der Schweiz.
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L'essentiel en bref:

  • Le TFA fait partie des produits chimiques éternels et s’accumule dans l’environnement.
  • La principale source de TFA sont les produits phytosanitaires, mais aussi les fluides frigorigènes (en hausse), les gaz propulseurs, les biocides et les médicaments.
  • Le TFA a longtemps été considéré comme étant sans danger pour les animaux et les humains dans l’UE et en Suisse.
  • Cependant, une nouvelle étude de Bayer montre de graves malformations chez les fœtus de lapins dont les mères ont reçu du TFA dans leur alimentation.
  • La dose la plus faible administrée était de 180 mg de TFA par kg de poids corporel et par jour. Etant donné que même à cette dose, trois types de dommages sont apparus chez les fœtus (anomalies cardiovasculaires, lésions oculaires, malformations rénales), la valeur dite NOAEL (no observed adverse effect level) devrait être nettement inférieure.
  • L’Allemagne a alors demandé à l’Agence européenne des produits chimiques (ECHA) de classer le TFA comme toxique pour la reproduction de catégorie 1B. Il est probable que l’ECHA suivra cette demande.
  • Cela aura des conséquences importantes concernant les réglementations. Ainsi, les produits phytosanitaires dont le produit de dégradation est le TFA perdront leur autorisation de mise sur le marché. En Suisse, 29 des quelque 300 substances actives en circulation sont concernées. Le volume de vente des produits phytosanitaires concernés s’élève à environ 45 tonnes par an.
  • Les autres sources de pollution au TFA doivent également être endiguées.

4aqua et SansPoison s’engagent pour :

(1) que le TFA ne soit plus rejeté dans l’environnement, conformément au principe de précaution.

(2) que les produits phytosanitaires (29 des quelque 300 substances actives) qui ont pour produit de dégradation le TFA soient interdits en priorité afin de limiter les dégâts sur l’approvisionnement en eau potable.

(3) que la Confédération doive en outre identifier et endiguer les autres sources de pollution au TFA.

(4) que les pollueurs fassent face à leurs responsabilités.

1. De quoi s’agit-il ?

Le trifluoroacétate (TFA) est le dernier produit de dégradation de certains pesticides, réfrigérants, gaz propulseurs, médicaments et autres substances contenant du fluor[1]. Le TFA fait partie du groupe chimique des PFAS, dont l’association SansPoison a déjà parlé à plusieurs reprises, dernièrement dans une interview avec Basil Thalmann. Comme la molécule de TFA est extrêmement stable (« persistante »), elle s’accumule dans l’environnement. Sa grande solubilité dans l’eau fait qu’il est mobile dans le sol et se retrouve facilement dans les nappes phréatiques et l’eau potable. Comme le TFA était considéré jusqu’à récemment comme inoffensif, il n’existe pas de valeurs limites concrètes pour les eaux. Pour l’eau potable, seule la valeur « par défaut » de 10 microgrammes (µg) par litre s’applique aux substances dont la toxicité est inconnue[2].

Une étude récente (2021) de Bayer montre de graves malformations chez les lapins nouveau-nés (fœtus) lorsque le TFA est mélangé à la nourriture des mères portantes. La plus petite quantité testée lors de l’essai était de 180 mg/kg/jour. Étant donné que même à cette dose, trois types de dommages sont apparus sur des fœtus (anomalies cardiovasculaires, lésions oculaires, malformations rénales), la valeur dite NOAEL (no observed adverse effect level) devrait être nettement inférieure. Cette substance entre ainsi sans difficulté dans une fourchette dans laquelle d’autres substances ont été classées comme toxiques pour la reproduction de catégorie 1B (p. ex. propiconazole avec NOAEL de 100 mg/kg/j).[3] Il est donc prévisible que l’ECHA classera le TFA comme toxique pour la reproduction de catégorie 1B (selon GSH : H360Df : « Peut nuire au fœtus pendant la gestation. Susceptible de nuire à la fertilité »).

L’ECHA a informé à ce sujet à la mi-juin 2024 et a également communiqué les résultats de l’étude susmentionnée.

2. Quelles sont les conséquences ?

Si l’ECHA suit la demande de l’Allemagne, les TFA seront considérés comme ce que l’on appelle un « métabolite pertinent », qui ne peut être présent dans l’eau potable qu’à hauteur de 0,1 µg par litre (Suisse, FN 2, et UE[4]). Étant donné qu’il existe actuellement différentes sources qui entraînent une pollution croissante des eaux souterraines, des eaux de surface et de l’eau potable par le TFA, il faut y mettre un terme.

Métabolites pertinents vs. non pertinents

Les métabolites sont des produits de dégradation de substances actives de pesticides. Un métabolite est classé comme pertinent ou non pertinent en fonction de son efficacité, de ses propriétés toxicologiques et de son risque pour les organismes et l’environnement. [5]

De fait, il est aujourd’hui déjà bien trop tard pour ramener les taux de pollution en dessous de 0,1 µg/litre dans un délai raisonnable. Dans toute l’Europe et en Suisse également, les valeurs moyennes se situent aujourd’hui déjà aux alentours de 0,7 µg/litre dans les eaux souterraines ou de surface, avec des pics pouvant atteindre plusieurs dizaines de µg/litre. Et de plus en plus de TFA est rejeté dans l’environnement. Plus on attend pour endiguer les sources de TFA dans l’environnement, plus l’assainissement de l’eau (potable) sera coûteux. Actuellement, les scientifiques estiment en effet qu’il n’est pas possible d’éliminer le TFA dans la quatrième étape de traitement des STEP (voir l’étude).

3. Quelles sont les sources principales de TFA ?

Dans l’UE, le TFA a été détecté partout dans les eaux de surface et souterraines, parfois à des quantités allant jusqu’à plusieurs microgrammes par litre (ex. Paris : 2 µg/l).[6] Des études menées en Autriche montrent que la contamination des eaux de surface par le TFA augmente lorsque l’on s’approche des exploitations agricoles.[7] De même, l’Office fédéral allemand de l’environnement indique que les produits phytosanitaires issus de l’agriculture en sont la principale source.[8]

Illustration 1 : Si des valeurs limites plus basses pour le TFA dans l’eau potable sont adoptées, les captages de sources risquent d’être fermés. Photo : un captage dans la forêt d’Eschenberg à Winterthour. @GeorgOdermatt

En 2021, l’association SansPoison a fait analyser neuf échantillons d’eau pour détecter la présence de TFA. Le TFA a été détecté dans chaque échantillon, avec des valeurs de 0,25 – 0,91 μg/l. Sur la base des sites d’échantillonnage, il a été possible de conclure que les principales sources de TFA sont les produits phytosanitaires (voir article à ce sujet). Actuellement, 29 substances actives de pesticides qui ont pour produit de dégradation le TFA sont autorisées. Leur volume de vente annuel est d’environ 45 000 kilogrammes (voir tableau). D’autres sources importantes concernent certains fluides frigorigènes (utilisés par exemple dans les systèmes de climatisation des voitures ; leur quantité est en augmentation), les agents propulseurs, les biocides et les produits pharmaceutiques[9].

En 2022, l’émission Kassensturz de la SRF a trouvé des valeurs similaires (0,51 et 1,5 μg/l dans 10 échantillons). Confrontés à la question d’une valeur limite, l’OFAG et l’OFEV avaient alors donné une réponse minimaliste : si les campagnes de mesure de l’OFEV devaient montrer des valeurs élevées sur une large échelle et que la substance apparaissait également dans les captages d’eau potable, « l’OFAG réévaluerait la situation ». [10]

4. Que fait la Suisse ?

Les autorités suisses n’ont pas encore mesuré systématiquement la toxicité environnementale de cette substance dans l’eau. Dans une réponse à une interpellation de la conseillère nationale Ursula Schneider Schüttel datant de 2022, le Conseil fédéral a déclaré que le TFA serait mesuré dans les eaux souterraines et l’eau potable en 2023 dans le cadre d’une étude pilote. Les résultats pour les eaux souterraines ne sont pas encore disponibles. L’étude sur la présence de TFA dans l’eau potable a été publiée en 2023. Celle-ci a trouvé, comme attendu, du TFA dans presque tous les échantillons, avec une valeur moyenne de 0,765 μg/l et une valeur maximale de 20 μg/l. La valeur limite générale de 10 μg/l pour l’eau potable reste toutefois applicable.

La découverte que le TFA est fortement toxique pour la reproduction (1B, H360Fd) a fondamentalement aggravé la situation. « Il serait temps de faire quelque chose ! », a-t-on envie de dire à l’OFAG et à l’OFEV.

5. 4aqua et SansPoison s’engagent

Les composés chimiques qui se dégradent en TFA ne sont utilisés que depuis les années 1980, mais leur utilisation n’a cessé d’augmenter. Durant cette courte période, la concentration dans le cycle de l’eau en Europe (et parfois encore plus sur d’autres continents) est passée à 0,7 µg/litre d’eau. Si l’on n’interdit pas rapidement les substances apparentées au TFA, leur concentration continuera d’augmenter jusqu’à ce qu’elle atteigne un niveau nocif pour les êtres humains et les animaux. Or, on ne sait pas exactement où cela commence. Mais une fois le seuil de dommage atteint, il est impossible de revenir en arrière pendant des décennies ou des siècles.

4aqua et SansPoison estiment que les êtres humains et la nature doivent être mieux protégés et s’engagent en faveur des améliorations qui suivent.

Améliorations :

En vertu du principe de précaution, les rejets de TFA doivent être stoppés le plus rapidement possible. Un blocage de telles sources n’est pas exigé que par le seul principe de précaution, mais également par la Loi fédérale sur la réduction des risques liés à l’utilisation de pesticides adoptée par le Parlement le 19 mars 2021.[11] Il n’est pas raisonnable d’attendre la décision de l’ECHA sur la classification définitive du TFA comme toxique pour la reproduction, car il y a de fortes chances que cela se produise et que les dommages, par exemple pour l’approvisionnement en eau potable, ne fassent que s’aggraver si le TFA continue à être rejeté dans l’environnement.

Une première étape consiste à interdire les produits phytosanitaires (29 des quelque 300 substances actives) qui se dégradent en TFA. Pour la plupart des cas, il existe des produits phytosanitaires qui ne forment pas de TFA pour les remplacer.

Comme il existe d’autres sources de pollution, la Confédération doit les identifier et les stopper si possible rapidement.

La problématique concernant le TFA ayant été connue tardivement avec la publication des résultats de l’étude de Bayer sur les tests de toxicité sur les lapins en juin 2024, toutes les actions et autres négligences qui conduisent à une nouvelle augmentation du TFA dans l’environnement se font « en connaissance de cause ». En termes de responsabilité, cela est considéré comme un acte intentionnel et entraîne une responsabilité aggravée. Les pollueurs doivent être tenus pour responsables.


[1] Voir https://www.parlament.ch/de/ratsbetrieb/suche-curia-vista/geschaeft?AffairId=20224515

[2] Anhang 2 Verordnung des EDI über Trinkwasser sowie Wasser in öffentlich zugänglichen Bädern und Duschanlagen (TBDV)

[3] EFSA, Peer review of the pesticide risk assessment of the active substance propiconazole, 2017, S. 9, siehe : https://www.efsa.europa.eu/en/efsajournal/pub/4887

[4] Anhang I Teil B der Richtlinie 98/83/EG (Trinkwasserrichtlinie).

[5] https://www.scienceindustries.ch/_file/20436/20170221-factsheet-psm-metaboliten-final.pdf

[6] PAN, TFA Die ewige Chemikalie im Wasser, das wir trinken, Juli 2024, siehe: https://www.global2000.at/sites/global/files/Report_TFA-in-Wasser_Final_DE.pdf

[7] https://utopia.de/news/ewigkeitschemikalien-in-welchen-bundeslaendern-das-trinkwasser-besonders-belastet-ist_706903/

[8] Umweltbundesamt, Chemikalieneintrag in Gewässer vermindern – Trifluoracetat (TFA) als persistente und mobile Substanz mit vielen Quellen, Dessau-Rosslau, 2024, S. 27, siehe: https://www.umweltbundesamt.de/sites/default/files/medien/3521/publikationen/2021_hg_chemiekalieneintrag_bf.pdf

[9] Voir https://www.parlament.ch/de/ratsbetrieb/suche-curia-vista/geschaeft?AffairId=20224515

[10] https://www.srf.ch/news/schweiz/umweltrisiko-trifluoracetat-pflanzengift-tfa-flaechendeckend-im-schweizer-trinkwasser

[11] https://www.bk.admin.ch/ch/d/pore/rf/cr/2021/20210841.html

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