Les variétés de pommes sous la loupe : à quel point sont-elles gourmandes en pesticides ?

Le fruit le plus apprécié en Suisse est la pomme. Un fruit sucré mais à l'arrière-goût amer : de toutes les cultures agricoles, les pommes sont celles qui sont le plus traitées avec des pesticides. Mais toutes les variétés ne nécessitent pas la même dose de traitement. Quelles variétés s'en sortent-elles le mieux en matière de traitement phytosanitaire ?
Apfelkörbe im Supermarkt
Die vielen Apfelsorten unterschieden sich nicht nur im Geschmack, sondern auch in ihrer Anfälligkeit gegenüber Krankheiten und Schädlingen.

L'essentiel en bref:

  • La culture des pommes est un type de culture nécessitant une forte utilisation de pesticides. Il est prouvé que de nombreux pesticides utilisés pour les vergers sont nocifs pour les abeilles et autres insectes pollinisateurs.
  • Grâce à leur résistance naturelle, certaines variétés de pommes se passent plus facilement des pesticides que d’autres.
  • Dans les supermarchés communs comme Coop et Migros, on ne trouve pratiquement pas de telles variétés de pommes résistantes. On n’en trouve quelques-unes uniquement dans les rayons bios.

L’association SansPoison demande :

Les grands distributeurs (comme Coop et Migros) devraient proposer davantage de variétés de pommes résistantes (comme les Ariane, Rustica ou Ladina), plutôt que des variétés dont la culture nécessite beaucoup de pesticides comme les pommes Gala ou Braeburn.

Utilisation massive de pesticides dans les vergers de pommiers

Dans les vergers de pommiers, les herbicides, les fongicides, les insecticides et les régulateurs de croissance sont monnaie courante. Dans le Tyrol du Sud, dans le Val Venosta[1], lieu de production européen par excellence pour les pommes, un champ moyen subit 38 traitements aux pesticides en une saison[2], sans compter les traitements après la récolte (pour une meilleure conservation).

Période d'application de différents pesticides sur une année
Utilisation de pesticides dans un champ moyen du Val Venosta entre mars et octobre (38 traitements et un traitement aux phéromones). Source : Bayrischer Rundfunk.

En Suisse, ce chiffre est certes moins élevé, avec environ 14 à 20 applications par saison[3], mais l’impact sur l’environnement et ses habitants est tout de même important (voir le paragraphe « Les cultures gourmandes en pesticides sont nocives pour les abeilles »). Mais toutes les variétés de pommes n’exigent pas le même traitement intensif. En raison de résistances naturelles dans le patrimoine génétique, toutes les variétés ne présentent pas la même sensibilité aux différentes maladies telles que l’oïdium, la tavelure du pommier ou le chancre de l’écorce et peuvent mieux résister aux ravageurs (p. ex. carpocapse, cheimatobies ou pucerons)[4]. La variété Gala peut être citée comme exemple négatif. Elle est très sensible aux perturbations, est traitée intensivement avec des pesticides, mais est en même temps la variété de pommes la plus appréciée en Suisse et représente 30% de la récolte totale de pommes.[5]

Les cultures gourmandes en pesticides sont nocives pour les abeilles

Un grand nombre de pesticides sont autorisés dans la culture des pommes. Parmi eux, les fongicides Captan et Folpet et les insecticides Acetamiprid et Spinosad. L’Autorité européenne de sécurité des aliments (EFSA)[6] reconnaît un risque accru pour les abeilles et les organismes non visés pour les deux fongicides et un manque de données dans l’évaluation des risques pour les deux insecticides. L’Office fédéral de la sécurité alimentaire et des affaires vétérinaires (OSAV) désigne les produits contenant la substance active spinosad comme dangereux pour les abeilles.[7] De plus, comme la culture des pommes implique souvent l’application combinée de plusieurs pesticides, un effet cocktail se produit dans l’environnement. Dans l’ensemble, on peut donc bien supposer que les produits utilisés représentent un danger pour les insectes pollinisateurs déjà menacés (pour en savoir plus sur ce sujet, consultez notre article de blog « Insectes pollinisateurs – de minuscules héros en danger »).

Exigences élevées – traitement intensif

Pourquoi tant de pesticides sont-ils utilisés dans la culture des pommes ? Les trois points suivants peuvent nous donner la réponse : [8]

Les cultures permanentes
Comme la pousse des pommiers prend des années, les ravageurs et les maladies peuvent facilement s’accumuler et se renforcer, puisqu’ils peuvent se développer et se propager au fil du temps. Ce phénomène est favorisé par la culture en monoculture. C’est pourquoi on utilise souvent plus de pesticides pour les cultures permanentes (notamment celles en monoculture).

Exigence en matière de conservation
Des pesticides peuvent être utilisés pour améliorer la durée de conservation des fruits, par exemple en influençant le processus de maturation ou en protégeant la pomme contre la pourriture et les maladies.

Exigence en matière de qualité élevée
Les exigences en matière de qualité visuelle des pommes sont très élevées de la part du commerce et des consommateur.rice.s. Les moindres défauts entraînent une baisse de la catégorie de qualité et, en cas de défauts visuels plus importants, les fruits n’arrivent même pas au supermarché (voir l’encadré « Classification de la qualité » pour plus d’explications). Cette exigence esthétique est l’une des principales raisons pour lesquelles les vergers de pommiers sont traités de manière si intensive.

Classification de la qualité

L’absurdité des exigences visuelles imposées aux pommes apparaît clairement lorsqu’on examine la définition des différentes catégories de qualité selon les normes et prescriptions pour pommes de table. Dans les supermarchés courants, la catégorie est toujours imprimée sur les étiquettes.

Catégorie « Extra » : forme, calibre et coloration caractéristiques de la variété. Pédoncule intact. Pulpe indemne de toute détérioration.

Catégorie I : Pulpe indemne de toute détérioration. Légers défauts de forme, de développement, de coloration et d’épiderme autorisés, pour autant qu’ils ne dépassent pas 1 cm2. Le pédoncule peut faire défaut, à condition que la section soit nette et que l’épiderme adjacent ne soit pas endommagé.

Catégorie II : Pulpe exempte de défauts essentiels. Défauts de forme, de développement, de coloration et d’épiderme autorisés, pour autant qu’ils ne dépassent pas 2,5cm2.

Plus la catégorie est élevée, plus la pomme peut être vendue cher dans le magasin. Si une pomme n’atteint pas la catégorie II, elle ne peut pas être vendue dans les grandes surfaces. En conséquence, les producteur.rice.s sont mieux rémunéré.e.s pour des pommes impeccables[9]. La pression augmente donc dans l’agriculture pour produire des pommes impeccables et le recours aux pesticides semble souvent être la solution la plus pratique.

Les variétés sous la loupe : des résultats décevants

Dans notre comparaison des variétés, nous avons examiné les variétés de pommes les plus courantes vendues dans les supermarchés suisses Coop, Migros et Denner. Le résultat est décevant : les supermarchés ne proposent en principe pratiquement pas de variétés de pommes résistantes. Les variétés communément proposées, telles que Gala ou Braeburn, sont très sensibles aux attaques de ravageurs et de maladies et nécessitent donc un traitement intensif. Les seules variétés résistantes que nous avons pu trouver faisaient partie de l’assortiment de pommes bio vendues à la Coop. L’évaluation détaillée est présentée dans le tableau ci-dessous.

Variété de pommeRésistance Proposée par*
ArianeBonneCoop (seulement Demeter)
Magic StarBonneCoop (seulement Bio)
PinovaMoyenneCoop (seulement Bio)
GalaMoyenneCoop, Migros, Denner
BraeburnMauvaiseCoop, Migros
GoldenMauvaiseCoop, Migros, Denner
DiwaMauvaiseCoop, Migros
JonagoldMauvaiseCoop
Tableau 1 : Comparaison des variétés en fonction de leur résistance aux maladies et aux ravageurs. Source : Calcul propre selon la liste des variétés FiBL 2024[10]
*Les données peuvent varier selon la région et la saison.

Le plus triste dans tout ça, est qu’il y aurait de nombreuses variétés plus résistantes, mais celles-ci ne sont pas proposées dans les grands supermarchés. Rustica ou Ladina sont des exemples de variétés résistantes.[11]Il en existe cependant de nombreuses autres qui ne sont pas cultivées à grande échelle. Il y a là une erreur dans le système.

Une course contre la montre ?

Lorsque nous parlons de variétés résistantes, nous devons également aborder le thème de la coévolution. Les variétés résistantes le sont-elles uniquement parce qu’elles ne sont pas cultivées à grande échelle et qu’il n’y a donc pas de pression de sélection sur les organismes nuisibles, pression qui rendrait ceux-ci plus adaptés aux plantes cultivées ? La résistance serait-elle davantage due au système de culture qu’au seul patrimoine génétique ? En réalité, c’est probablement un peu des deux. Si, du jour au lendemain, tous les vergers de pommiers étaient passés à la variété Ariane, cette variété ne serait au fil du temps plus résistante non plus, car les organismes nuisibles s’adapteraient à la plante par le biais de l’évolution. Pour minimiser durablement les attaques et les dégâts sur les pommiers, il faut des variétés adaptées et un mélange de différentes variétés (cultures mixtes au lieu de monocultures). Cette transition devrait être encouragée politiquement.

Recommandations d’action

  • Acheter des variétés de pommes résistantes et soutenir ainsi une production de pommes qui se contente d’une utilisation plus faible de pesticides.
  • Acheter Bio.
  • Acheter de saison, car cela permet de réduire l’utilisation de pesticides lors du stockage.
  • Mettre de la diversité dans son assiette et acheter d’autres fruits que des pommes. Si nous voulons diversifier les cultures (nous éloigner de la monoculture), nous devons également adapter notre alimentation.
  • Soutenir les acteurs politiques et les partis qui s’engagent pour un changement de système dans l’agriculture.
  • Partager cet article et contribuer à la sensibilisation sur ce thème.

[1] Plus d’informations sur la dérive des pesticides dans le Val Venosta dans notre article de blog

[2] Bayrischer Rundfunk (2023): Apfelanbau: 38 Mal Pestizide in einer Saison.

[3] Chiffre correspondant à la moyenne des années 2009-2018. Source : Agrarbericht 2020. Verkauf und Einsatz von Pflanzenschutzmitteln.

[4] Agroscope (2024): Pflanzenschutzempfehlungen für den Erwerbsobstbau 2024 – 2025.

[5] SRF (2023): Weniger Pestizide dank neuer Gentech?

[6] EFSA (2023): Peer review of the pesticide risk assessment of the active substance folpet.
EFSA (2020): Peer review of the pesticide risk assessment of the active substance captan.
EFSA (2016): Peer review of the pesticide risk assessment of the active substance acetamiprid.
EFSA (2018): Peer review of the pesticide risk assessment of the active substance spinosad.

[7] Z.B für das Produkt Audienz

[8] Mathis et al. (2022): Pflanzenschutz im Apfelanbau: ökologische und ökonomische Auswirkungen verschiedener Strategien. Agroscope.

[9] Pour les pommes de la classe I, les producteur.ice.s recevaient en 2020 1,11 CHF alors que les consommateur.ice.s payaient 3,43 CHF. Source: Agrarbericht 2021.

[10] Le calcul pour la classification en bon, moyen et mauvais peut être trouvé ici.

[11] Suard et al. (2024): Kernobst Sortenliste 2024. FiBL

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