Plus de produits chimiques, moins de mots

Les mélanges de produits chimiques auxquels de nombreuses femmes sont exposées pendant la grossesse nuisent au développement normal de leurs enfants. Ce sont surtout les mélanges de perturbateurs endocriniens qui troublent le développement du cerveau et du langage.
mars 11, 2022
Gastautor*in

Une nouvelle étude menée auprès de femmes enceintes, publiée dans la revue spécialisée «Science»[i] montre que le développement du cerveau et du langage des enfants peut être affecté par un mélange de perturbateurs endocriniens. Et ce, même à des concentrations bien inférieures aux valeurs limites légales respectives pour les substances individuelles.

Le problème des cocktails

Chaque jour, l’homme et la nature sont exposés à des milliers de produits chimiques, dont certains peuvent perturber notre équilibre hormonal, appelés «perturbateurs endocriniens». Il est vrai que les valeurs mesurées chez l’homme pour les différents produits chimiques sont généralement inférieures aux valeurs limites actuelles. Cependant, de plus en plus d’éléments indiquent que les mélanges de produits chimiques auxquels nous sommes exposés dans le monde réel peuvent nuire à la santé humaine. Les évaluations des risques actuelles, et donc les valeurs limites fixées, se basent cependant depuis toujours sur le fait que l’effet toxique des produits chimiques n’est étudié que sur la substance individuelle concernée. D’innombrables interventions visant à remédier à cette situation sont restées lettre morte jusqu’à présent. L’un des objectifs de la nouvelle politique européenne en matière de produits chimiques est de prendre en compte les effets cocktails[ii]. Mais on ne sait pas quand cette mesure sera mise en œuvre.

Nouvelle approche

L’étude, un résultat du projet de recherche EDC-MixRisk, se base sur une nouvelle approche qui combine des données de mesure dans la population avec des expériences. Il a ainsi été possible d’évaluer les risques liés aux cocktails de produits chimiques. L’étude s’est déroulée en trois étapes:

  • Dans un premier temps, l’étude SELMA portant sur la population suédoise a identifié un mélange de produits chimiques dans le sang et l’urine de femmes enceintes qui étaient associés à un retard de développement du langage chez leurs enfants à l’âge de 30 mois. Ce mélange contenait un certain nombre de phtalates, de bisphénol A et de produits chimiques perfluorés, qui ont par exemple pénétré dans le corps des femmes par le biais d’emballages en plastique, de matériaux de construction, de produits cosmétiques ou de revêtements hydrofuges dans les poêles ou les vêtements.
  • Dans un deuxième temps, l’activité hormonale et les effets de ce mélange sur le développement du cerveau ont été testés dans différentes expériences. Dans des corps organoïdes du cerveau humain, c’est-à-dire des modèles de cellules en 3D qui imitent des processus importants du développement cérébral, le mélange a modifié la production de gènes liés à des troubles du développement cérébral, par exemple les troubles du spectre autistique. Chez les poissons zèbres et les têtards, le mélange a entraîné une diminution de la fonction des hormones thyroïdiennes et un changement de comportement. Tous ces effets sont apparus à des concentrations proches des valeurs réelles mesurées chez les femmes enceintes.
  • Dans un troisième temps, les résultats des études expérimentales ont été utilisés pour évaluer le risque que ce mélange représente pour le développement du cerveau humain.

Un risque clairement plus élevé

Grâce à cette approche, les scientifiques ont pu montrer que plus de 50 % des femmes enceintes étaient exposées à des cocktails de produits chimiques dans des quantités qui présentent un risque pour le développement du cerveau et du langage de leurs enfants à naître. Ces résultats montrent clairement que les méthodes utilisées aujourd’hui pour évaluer les risques des produits chimiques sont insuffisantes et qu’il faudra à l’avenir tenir compte des effets cocktails.

L’auteur invité, Joëlle Rüegg, est professeure de toxicologie environnementale à l’université d’Uppsala et à l’institut Karolinska en Suède, l’une des plus grandes et des plus prestigieuses universités de médecine d’Europe.

[i] N. Caporale et al., Science 375, eabe8244(2022). DOI: 10.1126/science.abe8244

[ii] https://sanspoison.ch/2022/02/16/eu-chemie-fuer-und-nicht-gegen-den-menschen-gesucht/

Plus d’infos (auf Englisch)

«More chemicals, fewer words: Exposure to chemical mixtures during pregnancy alters brain development», video summarising the main results of this study: https://www.youtube.com/watch?v=bJh9c-pyeYo

«EDC-MixRisk project studies the effects of chemical mixtures», film on the main results of EDC-MixRisk: https://www.youtube.com/watch?v=XumDwTEDcl0

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