Pesticides: l’Office fédéral de l’agriculture y laisse des plumes

Depuis des années, les organisations de protection de l’environnement critiquent de graves lacunes dans le processus d’homologation des pesticides, parmi lesquelles le manque d’indépendance de l’Office fédéral de l'agriculture qui délivre aujourd’hui les autorisations. Le Conseil fédéral a désormais agi et remédié à ces lacunes. Toutefois, d’autres problèmes sont loin d’être résolus.
février 18, 2021
Georg Odermatt

Durant des décennies, l’Office fédéral de l’agriculture (OFAG) a autorisé des pesticides hautement toxiques sur la base d’études réalisées par les entreprises de pesticides elles-mêmes, comme Syngenta et Bayer. Ce n’est qu’au cours de ces dernières années que d’autres organes de la Confédération ont commencé à jouer un rôle plus important, comme le Secrétariat d’État à l’économie pour la sécurité au travail ou l’Office fédéral de la sécurité alimentaire et des affaires vétérinaires pour la protection de l’eau potable. L’Office fédéral de l’environnement reste par contre à l’écart parce que l’OFAG a lui-même le droit d’évaluer si et quand une substance active est nocive pour la nature. L’OFAG se trouvait et reste toutefois dans une situation de conflit d’intérêts entre l’augmentation de la productivité grâce à des pesticides toxiques et la protection de l’environnement. De plus, il contrôle le centre de compétence Agroscope qui collecte des données de base pour l’évaluation des risques environnementaux. Fin 2019, un rapport de la Confédération a constaté que le processus d’homologation présente des lacunes, notamment en ce qui concerne la rôle problématique de l’OFAG.

Le Conseil fédéral a maintenant décidé de retirer au 1er janvier 2022 la compétence de délivrer l’autorisation des produits phytosanitaires à l’Office fédéral de l’agriculture et de la transférer à l’Office fédéral de la sécurité alimentaire et des affaires vétérinaires. Et l’Office fédéral de l’environnement est désormais le nouveau responsable de l’évaluation des risques pour l’environnement. L’Office fédéral de l’agriculture reste toutefois responsable des aspects agricoles.

Commentaire:
Après des mois de silence, le Conseil fédéral a présenté une solution qui n’est pas la panacée pour protéger efficacement la nature et les hommes des pesticides toxiques. Il est vrai que le processus d’homologation sera maintenant mieux réglementé et de manière plus indépendante et que l’influence de l’Office fédéral de l’agriculture sera limitée. Pourtant, il reste beaucoup de graves défauts sur la forme de l’ordonnance sur les produits phytosanitaires elle-même. Elle regorge de prescriptions de contrôle obsolètes, de formulations imprécises, de longueur épique et d’exceptions, de sorte que malgré la contamination manifeste des eaux, des sols et de l’air, les autorités continuent de se sentir pratiquement libres de décider en faveur des distributeurs et des fabricants de pesticides au lieu de refuser de dispenser des autorisations pour des pesticides nocifs.

Est-ce que cela va s’améliorer du seul fait que l’Office fédéral de la sécurité alimentaire et des affaires vétérinaires et l’Office fédéral de l’environnement font partie du processus? À l’heure actuelle, on ne sait pas quelle personne prendra en charge ces nouvelles tâches. Est-ce que certains collaborateurs aujourd’hui impliqués prendront place dans les offices fédéraux qui reprennent la responsabilité? L’Office fédéral de l’environnement va-t-il enfin prendre au sérieux le principe de précaution et la protection des espèces ou va-t-il juste poursuivre prosaïquement la façon de travailler de l’Office fédéral de l’agriculture? Est-ce que des spécialistes des eaux, des sols, de la biodiversité et des pertes par dérive seront mis à contribution? Et si l’Office fédéral de l’agriculture reste responsable des intérêts agricoles, qu’est-ce que cela va vraiment impliquer? Est-ce que l’Office fédéral de la sécurité alimentaire et des affaires vétérinaires pourra se permettre de faire passer la santé des hommes et de la nature ou la qualité de l’eau potable avant la production de denrées alimentaires intensive en pesticides? L’association sansPoison reste vigilante!

Newsletter

Reste informé sur les sujets d'actualité

Vous pouvez vous désinscrire à tout moment.