Les néonicotinoïdes affaiblissent les oiseaux chanteurs

Les néonicotinoïdes forment un large groupe de pesticides puissants. L’utilisation agricole de certains néonicotinoïdes est interdite en Suisse, d’autres peuvent être utilisés pour des terres cultivées de manière conventionnelle. Bien que les néonicotinoïdes ne soient autorisés que dans l’agriculture conventionnelle, pratiquement tous les sols de Suisse sont contaminés par ces insecticides. Les polluants retournent à des particules du sol, à des gouttelettes de bouillie de pulvérisation qui se dispersent, ou sont transportés par les eaux de pluie qui ruissellent sur le sol. Les néonicotinoïdes peuvent être détectés même des années après leur utilisation et loin du site d’utilisation[i].

Les néonicotinoïdes ont un effet particulièrement négatif sur les pollinisateurs des fleurs et des cultures. Un nombre croissant d’autres insectes, d’araignées et de vers sont également progressivement empoisonnés par les néonicotinoïdes. La disparition des insectes confirme le lien. Parmi les 230 substances actives de pesticides autorisées, ce sont les néonicotinoïdes (avec les pyréthroïdes artificiels et les organophosphates) qui ont l’effet le plus toxique sur les insectes. Malheureusement, ce n’est que le début de la triste histoire. Elle se poursuit avec d’autres créatures vulnérables comme les oiseaux: les oiseaux insectivores trouvent moins de nourriture, ce qui entraîne le déclin et la mise en danger de la population de certaines espèces d’oiseaux[ii].

Jusqu’à présent, on savait peu de choses concernant les effets des néonicotinoïdes sur les oiseaux migrateurs qui vont sur les terres agricoles en quête de nourriture. Une nouvelle étude au Canada a examiné comment l’imidaclopride, qui fait partie des néonicotinoïdes, affecte le comportement des oiseaux chanteurs migrateurs[iii]. Lorsque les oiseaux ingèrent de l’imidaclopride avec leur nourriture provenant des champs, ils mangent moins dans l’ensemble, ce qui entraîne une diminution de la masse corporelle et des réserves de graisse. Ainsi ils commencent à migrer plus tard et sont moins robustes que les oiseaux non affectés. Le même problème existe dans les phases de repos et d’alimentation au cours de la migration. L’étude canadienne montre que l’absorption de quantités réalistes d’imidaclopride par des bruants à couronne blanche américains (Zonotrichia leucophrys) lors d’une escale de la migration, entraînait une réduction rapide de l’ingestion de nourriture, de la masse corporelle et de la teneur en graisse corporelle. Les oiseaux ont donc dans l’ensemble été affaiblis, et ont eu moins de succès de reproduction Même si une population d’oiseaux ne diminue que de 3 % par an, elle s’éteindra en quelques décennies.

[i] Humann-Guilleminot S, Binkowski ŁJ, Jenni L, Hilke G, Glauser G, Helfenstein F. A nation-wide survey of neonicotinoid insecticides in agricultural land with implications for agri-environment schemes. J Appl Ecol. 2019;00:1–13.
https://doi.org/10.1111/1365-2664.13392
[ii] https://www.nature.com/articles/nature13531
[iii] Margaret L. Eng, Bridget J. M. Stutchbury, Christy A. Morrissey
A neonicotinoid insecticide reduces fueling and delays migration in songbirds
Science  13 Sep 2019: Vol. 365, Issue 6458, pp. 1177-1180, DOI: 10.1126/science.aaw9419