Près de 30’000 personnes boivent de l’eau contaminée aux pesticides
, Präsidentin des Vereins ohneGift
Et ce n’est pas un cas isolé, comme l’ont rapporté les médias ces dernières semaines. Plusieurs communes vaudoises sont touchées par du chlorothalonil dans l’eau du robinet. L’Office vaudois de la consommation avait annoncé en août 14 cas de dépassements de la norme du chlorothalonil dans l’eau. Certains cantons ont averti les communes concernées mi-août 2019. Un ou plusieurs métabolites du fongicide chlorothalonil, largement répandu dans les céréales et les cultures maraîchères, dépassent la valeur limite légale.
Les chimistes cantonaux suisses ont examiné environ 300 échantillons d’eau potable, représentant la zone d’approvisionnement de 80 % de la population. Au total, douze échantillons ont montré des dépassements de la valeur maximale. La plupart d’entre eux étaient attribuables à un produit de dégradation du chlorothalonil. Fait préoccupant: plus de la moitié des échantillons présentaient des résidus de pesticides et, dans plusieurs échantillons, des produits de dégradation ont été détectés pour lesquels aucune teneur maximale n’a (encore) été fixée. Bien sûr, les autorités ne le diraient pas, mais le fait est que 169 000 personnes boivent de l’eau empoisonnée.
Le 26 juin 2019, l’Office fédéral de la sécurité alimentaire et des affaires vétérinaires OSAV a reclassé plusieurs produits de dégradation (appelés métabolites) du chlorothalonil comme pertinents. Une telle classification intervient quand un métabolite peut générer la cancer, endommage le matériel génétique, perturbe la capacité de reproduction de l’homme et/ou provoque des troubles du développement de la descendance.
Plusieurs des métabolites du chlorothalonil, plus d’une douzaine, endommagent le patrimoine génétique et peuvent provoquer le cancer.
Une valeur maximale de 0,1 microgramme/litre dans l’eau potable s’applique donc pour ces produits de dégradation. De plus, les métabolites dangereux du chlorothalonil ont une demi-vie allant jusqu’à 1’000 jours (environ 3 ans). Cela signifie qu’ils vont encore empoisonner l’eau souterraine pendant plus de 10 ans.
Depuis 2005, environ 150 homologations de substances pesticides ont été révoquées. L’exemple du «chlorothalonil» montre clairement que le processus d’homologation est déficient. Ainsi par exemple les études pour savoir si un métabolite est cancérogène, déposées auprès des autorités d’homologation de l’UE (AESA à Parme en Italie), sont établies par les demandeurs (industrie des pesticides). Les autorités suisses d’homologation acceptent ensuite généralement cette évaluation. Dès lors comment s’étonner que les effets nocifs pour la santé ne sont pas reconnus pendant des années. Dans le cas du chlorothalonil, introduit dès 1966, même plus de 50 ans?
Concernant les produits phytosanitaires avec du chlorothalonil, il s’agit d’un pesticide bon marché dont le bidon de 5 litres ne coûte que 75 francs. C’est pourquoi les agriculteurs aiment l’utiliser, à savoir une quantité de 45 tonnes par an de substance active (volume des ventes 2017).
La question intéressante est de savoir qui va payer pour les millions de dommages que coûtent la fermeture, le remplacement de sources (s’il y a en a de disponibles non contaminées par les pesticides) ou la filtration de l’eau potable (si elle est efficace) dans tout le pays.
À choix:
- le fabricant et les distributeurs de chlorothalonil en tant que source principale du problème,
- les agriculteurs qui l’ont utilisé,
- l’autorité d’homologation de l’UE pour ne pas avoir suffisamment contrôlé durant 50 ans,
- l’autorité d’homologation de la Suisse (Office fédéral de l’agriculture) pour avoir repris l’évaluation de l’UE de manière non critique,
- les victimes de la contamination (associations pour l’approvisionnement en eau potable et les communes) car les responsables des problèmes peuvent sauver leur peau à temps?
D’autres dommages (par ex. la biodiversité ou l’augmentation du taux de cancer chez l’homme) ne sont pour le moment pas du tout chiffrables. Rappelons en outre que différents métabolites toxiques du chlorothalonil sont très solubles dans l’eau et se retrouvent facilement dans les eaux à travers les centaines de kilomètres de conduites de drainage dans le paysage cultivé en Suisse. Les apports de toxiques provenant des drainages sont jusqu’à présent tout simplement négligés dans le processus d’homologation des pesticides. Le problème est connu depuis des années mais les autorités n’ont rien entrepris. Pourquoi?
D’après Martin Herrmann pour les captages des villes, l’eau potable est actuellement diluée par infiltration depuis les rives du Rhin. La question est de savoir si la valeur limite peut être respectée ainsi. La situation est observée et les prochaines mesures sont attendues à la mi-septembre. Alors seulement la population sera informée.